Logistique : les armateurs évitent le détroit de Bab el Mandeb
Les attaques des Houthis visant des navires en transit au large du Yémen incitent les armateurs à modifier les itinéraires. Les organisations nationales et internationales appuyées par les armements comme MSC, Mærsk, CMA CGM et Hapag Lloyd évitent la zone.
Les répercussions du conflit entre Israël et le Hamas en mer Rouge s’intensifient. Les Houthis ont attaqué plusieurs navires au cours des derniers jours. Le dernier en date est le MSC Platinium. Le 15 décembre, une attaque a touché le navire. Il opère pour le compte de Messina Line. Aucun blessé n’est à déplorer parmi l’équipage. L’attaque a entraîné des incendies à bord.
ECSA et ETF appellent à des mesures urgentes
Ainsi, après des vraquiers, des pétroliers et des navires rouliers, la situation dans le détroit de Bab el Mandeb devient difficile. Déjà, la semaine dernière, plusieurs organisations internationales se sont inquiétées de la situation. En effet, l’organisation européenne des armateurs (Ecsa, European Community of Shipowner’s association) et le syndicat ETF (European Transport Federation) appellent à des actions urgentes face aux risques dans le golfe d’Aden. « La vie et la sécurité des marins est en danger dans la région. Face aux attaques, l’Ecsa et l’ETF demandent la mise en place de mesures pour la protection des marins et des navires », soulignent les deux organisations.
Préserver la liberté de navigation
Cette position des deux organisations est partagée par le World Shipping Council. Ainsi, le 15 décembre, l’organisation des armements conteneurisés rappelle que ces attaques mettent en péril la liberté de navigation. « Il est nécessaire de prendre toutes les actions urgentes pour préserver la vie des marins et la liberté de navigation ». Des positions qu’Armateurs de France suit. Le 18 décembre, l’organisation française souligne que « il incombe aux armateurs de se protéger, essentiellement avec des moyens limités et dans des conditions difficiles et à s’adapter rapidement alors que cette situation est très impactante sur les plans humain, opérationnel et commerciaux. » Et le président d’Armateurs de France, Édouard Louis-Dreyfus a rappelé l’importance de la présence militaire localement. « La sécurité́ des équipages est notre priorité́. Nous comptons sur la présence de navires militaires français dans la région, ainsi que des marines alliées pour protéger les navires de commerce et garantir la liberté́ de la navigation. Il est essentiel de renforcer la position de l’Europe dans la sauvegarde de nos intérêts stratégiques. »
Le déroutement par le cap de Bonne Espérance
Face à ces appels et aux nombreuses attaques, les armateurs commencent à prendre des mesures. Ainsi, l’attaque contre le MSC Platinium le 15 décembre incite MSC à dérouter ses navires. Dans un communiqué, l’armateur annonce la fin du transit de ses navires par le canal de Suez. Tous les navires se déroutent vers le cap de Bonne Espérance. Du côté du groupe CMA CGM, la réponse à ces attaques vise à ordonner « à tous les porte-conteneurs de CMA CGM dans la région, qui doivent passer par la mer Rouge, de rejoindre des zones sûres et d’interrompre leur voyage dans des eaux sûres, avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre. » Une communication qui laisse imaginer que les navires qui empruntent le canal de Suez et transitent par la mer Rouge doivent interrompre leurs services.
Mærsk et Hapag Lloyd suivent le mouvement
Cette position des deux armateurs est confirmée par celle de Mærsk. L’armement danois demande à tous ses navires d’interrompre leurs voyages à compter du 15 décembre. Plus tôt dans la semaine, le MSC Gibraltar a fait l’objet d’attaques par des drones. Quant à Hapag Lloyd, à la suite d’attaques par des drones, l’armement allemand a décidé de dérouter une partie de ses navires par le Cap de Bonne Espérance.
Le manque de clarté du verbe pouvoir
Le 6 décembre, le P&I Club Skuld alerte les armateurs. Ainsi, l’assureur rappelle que l’armateur peut décider de refuser d’emprunter un itinéraire, « afin de minimiser le risque d’être attaqué ». Une décision qui trouve son origine dans les clauses de la charte-partie. Cependant, précise Skuld, la décision de l’armateur intervient si, « de l’avis raisonnable du capitaine et/ou des propriétaires, le navire « peut être exposé » à des hostilités, des opérations de guerre ou des saisies effectives, menacées ou signalées, qui « peuvent être dangereuses ou devenir dangereuses ». Alors, les juristes pourront s’engager dans des discussions à propos du terme « peuvent ». Selon Skuld, la portée du verbe et le niveau de risque « manquent de clarté ».
Un tableau des risques par navire
Alors, pour aller plus en détail, Skuld établi un tableau des risques qui prend en compte le type de navire et le type de menaces. Dès lors que le navire est lié, par son propriétaire, à Israël, le risque d’une prise du navire ou d’une attaque par drone reste élevée. Pour les navires qui sont à destination ou en provenance d’un port israélien, le risque d’une saisie par des forces armées ou d’une tentative d’attaque demeure élevée. Enfin, pour les autres navires, le risque pourrait venir en raison des menaces qui pèsent sur des navires à proximité. Finalement, l’assureur ne cache pas les dangers pour les équipages et les navires à transiter à proximité du Yémen.
L’intervention des marines militaires
Dans ce contexte, la présence des marines militaires européenne et américaine rassure. Cependant, elles n’empêchent pas les attaques de drones par les Houthis. Si, à aujourd’hui, les conséquences de ces attaques sont mineures, le risque demeure. Le déroutement des lignes régulières par le cap de Bonne Espérance signifie un changement important des horaires des compagnies. Dans les années 2000, les attaques de pirates au large de la Somalie a perturbé la navigation dans la région. Il a fallu l’intervention des marines militaires de plusieurs nationalités et la mise en place de convois pour sécuriser la zone. Aujourd’hui, la situation ne peut s’apparenter à de la piraterie, mis à part l’attaque contre le Galaxy Leader. Les attaques par des drones s’opèrent depuis la terre ferme. Alors, la protection des navires qui transitent dans la région paraît plus compliquée.