Mærsk/MSC : le colosse au pied d’argile se brise
Le 25 janvier, les deux armements Mærsk et MSC ont annoncé la fin de leur alliance, 2M, le 1er janvier 2025. Une décision qui pourrait avoir des effets sur le monde de la conteneurisation.
Tsunami ou simple tempête dans un verre d’eau, la fin de l’alliance entre Mærsk et MSC intervient dans une période de reconfiguration du monde des alliances maritimes. Dans son analyse de marché, Jérôme de Ricqlès, expert chez Upply, prévoyait la probabilité d’un tel scénario avec l’implosion des alliances.
Mener sa propre stratégie
C’est désormais chose faite. Dans un communiqué conjoint, les deux directeurs de Mærsk, Vincent Clerc, et MSC, Soren Toft, ont indiqué que l’alliance 2M prendra fin le 1er janvier 2025. Ils expliquent que cette décision intervient en raison « des nombreux changements intervenus depuis la création de cet accord en 2015. La fin de cette alliance maritime trace la route pour chacune des sociétés pour mener sa propre stratégie ».
Mærsk veut se concentrer sur sa stratégie d’intégrateur
Pour expliquer cette décision, Mærsk a ouvert sur son site des éléments de réponse. L’armement danois souligne que sa stratégie a changé depuis 2015, « ainsi que les besoins de nos clients. » De plus, la compagnie maritime souligne son souhait de devenir un intégrateur logistique. « En mettant un terme à cette alliance, Mærsk pourra se focaliser sur sa stratégie pour devenir un intégrateur et répondre mieux aux demandes de nos clients en matière de fiabilité, flexibilité et durabilité ». En creux, cela signifie que cette alliance ne permet pas d’apporter le service demandé par les clients.
La modification de la dynamique de la concurrence
Après l’annonce vient le temps des analyses. Dans un post sur Linkedin, Lars Jensen, expert maritime, cette annonce prévient d’un bouleversement dans le monde des alliances et des VSA dans la conteneurisation. « Cette annonce va modifier la dynamique de la concurrence sur les principales routes maritimes est-ouest. Au fond, il s’agit du premier domino qui tombera dans les prochains mois ».
Un directeur « moins maritime »
Une analyse que Jérôme de Ricqlès a détaillé dans son analyse du marché maritime parue en janvier. Déjà, il voyait la nomination de Vincent Clerc, au poste de directeur de Mærsk, comme « moins maritime » alors que chez MSC, l’arrivée de Soren Toft devait consolider cette alliance. L’armateur danois explique clairement sa volonté de s’orienter vers un conglomérat du transport. Quant à MSC, la signature en 2015 de cette alliance a surpris le monde maritime. L’armement italo-suisse a toujours été un « outsider », préférant naviguer seul plutôt qu’accompagner.
L’effet pour les autres armateurs
Quant à savoir si cette fin est le signe précurseur de la fin des autres alliances dans le monde de la conteneurisation, le lien peut paraître un peu rapide. Les deux autres alliances, The Alliance et Ocean Alliance, pourraient se dissoudre mais plutôt sur des considérations géopolitiques plus que pour des raisons de stratégie d’entreprise, a rappelé Jérôme de Ricqlès. Enfin, indiquait l’expert de Upply, la situation pour les autres armements serait plus compliquée. En effet, « en revanche, pour ONE, Hapag Lloyd et Hyundai, ce serait un coup dur et une marginalisation supplémentaire même si Hyundai pourrait profiter de l’occasion, comme elle le souhaite, pour renforcer son poids dans l’alliance, avec le soutien de l’État coréen récemment réaffirmé. »
L’Europe attendue sur les consortia
Enfin, l’annonce intervient quand la Commission européenne enquête sur le renouvellement de l’exemption accordée en faveur des consortia. La fin de l’alliance 2M pourrait être un signe précurseur d’une volonté de l’autorité européenne à mettre un terme à cette exemption. La décision de la Commission est attendue pour une application en avril 2024. Alors, plus que la fin de l’alliance 2M, la décision de la Commission pourrait être le détonateur qui fera exploser les alliances.