La logistique automobile face aux crises politiques et à une baisse de la production en 2024
S&P Mobility et European Car Group publié les perspectives du marché de la logistique automobile pour 2024. L’année s’annonce sous de bons auspices. Cependant, les risques liés aux tensions géopolitiques demeurent.
L’année 2023 a atteint des sommets dans la production automobile, selon une étude menée pour le compte de European Car Group. Selon les premiers chiffres provisoires de S&P Global Mobility, elle atteint 89,8 millions de véhicules légers dans le monde. Une production en progression de 9% par rapport à 2022, indique le consultant. Dans le même temps, les ventes de ces véhicules progressent de 8,9% à 86 millions d’unités. Pour le consultant, cette augmentation résulte de l’amélioration des chaînes logistiques.
Trois marchés représentent 64% des ventes
Trois marchés se partagent les deux tiers (64%) des ventes : la Chine, les États-Unis et l’Europe. Selon le consultant S&P Global Mobility, le marché chinois doit atteindre 25,3 millions d’unités vendues en 2023. Un chiffre en progression de 4,9%. Les États-Unis viennent en deuxième position avec 15,5 millions de véhicules. Enfin, l’Europe clos ce tiercé avec 14,7 millions de ventes. Le Vieux continent s’affiche en premier pour son taux de croissance de son marché l’an passé.
Une production au sommet
Pour Mark Fulthorpe, directeur des prévisions automobiles chez S&P global Mobility, « les niveaux de production de véhicules flirtent avec les sommets. La reconstitution des stocks intervient plus rapidement que prévu. » Cependant, cette croissance inattendue peut entrer en conflit avec la demande réelle des consommateurs. « En 2023, la production de véhicules a bénéficié d’un cycle vertueux. Elle a profité de l’amélioration des supply chains et d’importants carnets de commandes. À mesure que ces conditions s’estomperont, la production sera moins soutenue. ».
Europe : tassement de la croissance de la production automobile
Fort de ce constat, les opérateurs logistiques automobiles regardent vers l’avenir. L’année 2024 s’annonce en léger retrait. En Europe, la production doit atteindre 15,1 millions de véhicules. Un chiffre en progression de 2,9%. Ce tassement de la croissance tient à plusieurs causes, estime le responsable de S&P Global Mobility. D’une part, la récession économique atteint le moral des consommateurs. D’autre part, les conditions de crédit se durcissent. De plus, les prix demeurent élevés et les aides à l’achat se réduisent.
États-Unis : 15,9 millions de ventes prévues en 2024
Quant au marché des États-Unis, S&P Global Mobility prévoit une croissance de 2% des ventes de véhicules neufs à 15,9 millions. Comme en Europe, le marché américain subi les effets de taux d’intérêts élevés et des prix des véhicules neufs qui tardent à baisser. « L’incertitude des consommateurs se traduit par la prévision d’une légère progression des ventes d’automobiles l’année prochaine », indique le consultant.
Les stimulus du gouvernement chinois
Enfin, en Chine, la demande continue de progresser grâce à une demande croissante. Selon S&P Global Mobility, la demande chinoise devrait atteindre 26,4 millions de véhicules, soit une progression de 4,2%. Et les NEV (New Energy Vehicle) doivent progresser plus vite. En effet, le gouvernement exempte de taxes les acheteurs pour les deux prochaines années. De plus, la production locale de batteries permet de réduire le prix. Au total, S&P Global Mobility estime qu’en 2024 les NEV représenteront 44% du marché automobile chinois, contre 36% en 2023.
Les risques liés aux conflits
Entre la demande et l’offre se retrouve la logistique. Or, ECG alerte sur les risques liés aux conflits. En premier lieu, les attaques de navires en mer Rouge inquiète. En effet, un navire roulier a le premier navire été concerné par ces attaques, le Galaxy Leader. Comme pour les conteneurs, les armateurs rouliers évitent la mer Rouge et le canal de Suez. Wallenius Wilhelmsen, NYK, MOL, K Line et Hoegh annoncent le déroutement de leurs navires par le sud de l’Afrique.
La réactivité des logisticiens automobiles
Sam Fiorani, vice-président d’AutoForecast Solutions rappelle la réactivité des logisticiens automobiles. « Si l’industrie automobile semble plus réticente à adopter de nouvelles technologies, elle sait être réactive lorsque les chaînes logistiques sont perturbées. » Et cet axiome s’est révélé lors du conflit en Ukraine. Les constructeurs ont réorienté leurs approvisionnements depuis les usines ukrainiennes dès le début du conflit. Or, la crise en mer Rouge est différente, analyse Sam Fiorani. Il estime que cette crise a pour effet de retarder l’arrivée des navires mais surtout d’engendrer des coûts supplémentaires. Par conséquent, si les délais d’attente sont trop longs, les acheteurs risquent de changer d’avis.
Pas de flotte de réserve
De plus, Dan Nash, directeur Ro Ro chez Vessels Value estime que cette crise peut avoir des effets importants pour le secteur. « Si la crise dure trop longtemps, elle pourrait s’avérer plus grave que celle de l’Ever Given. » Le monde du transport maritime roulier n’est pas dans la même situation que celui des conteneurs. Effectivement, ce dernier dispose d’une flotte de réserve actuellement à l’ancre pour suppléer l’allongement du temps de transport. Or, dans le roulier, la capacité est réduite en raison de la baisse de la demande ces dernières années, souligne le directeur de Vessels Value.
Pas d’effet sur les taux de fret
Le déroutement des navires peut ainsi impacter les affrètements des navires. Quant aux taux de fret, « l’effet est minime pour le moment. Les constructeurs automobiles et les armateurs gèrent leurs relations avec des contrats à long terme. Néanmoins, le rallongement des routes doit être payé par une partie. Ce sera le chargeur qui endossera ce rôle », continue Dan Nash.
Taïwan préoccupe
Par ailleurs, les logisticiens automobiles regardent avec attention les évolutions de la géopolitique dans d’autres régions du monde. Ainsi, les dernières élections à Taïwan et les déclarations du président chinois inquiètent. Pour le monde automobile, une grande partie des semi-conducteurs est encore fabriquée à Taïwan. Une dégradation de la situation pourrait engendrer une nouvelle crise.
BYD un constructeur armateur
De plus, la logistique automobile doit composer avec de nouveaux venus sur le marché comme le groupe chinois BYD. La production de ce constructeur augmente et avec elle les exportations. En effet, selon ECG, le constructeur chinois a exporté 242 765 véhicules en 2023. Or, pour s’assurer une logistique sans faille, BYD fait construire sa propre flotte de navires.
Le BYD Explorer 1 : une capacité de 7000 voitures
La première unité, le BYD Explorer n°1, est sorti des chantiers chinois en janvier. Le navire a réalisé ses premiers chargements en Chine avant de rejoindre l’Inde, au port d’Ennore, pour y décharger une partie de sa cargaison. D’une capacité de 7000 CEU, l’Explorer n°1 est attendu dans les prochains jours en Allemagne. Il doit décharger ses voitures construites en Chine dans le port de Bremerhaven. Au cours de ce voyage inaugural, des observateurs s’interrogent sur la route empruntée : Suez ou cap de Bonne-Espérance ? Si le navire entre en mer Rouge sans faire l’objet d’attaques par les Houthis, cela pourrait confirmer l’opinion que les rebelles yéménites conservent des relations diplomatiques détendues avec la Chine.
Sept navires attendus dans les deux ans
Au-delà de ce voyage, le groupe BYD s’affranchi des soucis logistiques en intégrant le maillon de la logistique maritime. Il a commandé, auprès des chantiers du pays, sept autres navires d’une capacité équivalente. Cette flotte sera déployée pour livrer les marchés en Europe, au Brésil, en Thaïlande et au Mexique. De plus, l’industriel chinois diversifie sa production. Des usines en Hongrie et en Ouzbékistan permettent d’alimenter les marchés d’Europe et d’Asie centrale plus rapidement. Pour entrer sur le marché européen, les véhicules produits en Hongrie et en Ouzbékistan disposeront du ferroviaire pour rejoindre les marchés. D’ici à voir BYD investir dans le ferroviaire pour assurer sa logistique, il suffit de traverser les voies.