Corridors et logistique

European Car Group : l’Europe tente de se prémunir contre les importations chinoises

L’assemblée générale de l’European Car Group s’est déroulé à Bavene, en Italie, le 24 mai. Les professionnels de la logistique automobile ont constaté la résorption de certaines crises mais l’arrivée de nouvelles perturbations.

La crise des semi-conducteurs semble rangée aux archives. L’association européenne des logisticiens automobiles (European Car Group) se félicite de voir les perturbations logistiques de cette crise s’achever. Néanmoins, la fin d’une crise en appelle parfois de nouvelles. Dans ce contexte, ECG voit la logistique automobile entrer dans une ère de nouvelles crises.

Le tassement des ventes de voitures

Pour ECG, le principal souci vient de l’état du marché de la voiture en Europe. Justin Cox, directeur de Global Data, a souligné le tassement des ventes de voitures. En mars 2024, ce sont 84 millions de véhicules qui ont été vendus dans le monde. Comparativement, en août 2023, les ventes de véhicules ont atteint 96 millions d’unités. « La croissance demeure malgré des sorts divers selon les marchés. » En Europe et aux États-Unis, le volume des ventes reste inférieur à celui réalisé en 2019. Ainsi, dans les pays de la partie occidentale du continent, les ventes entre 2019 et 2023 ont baissé de 18%. Elle est en progression de 1% pour l’Europe de l’Est.

Les véhicules électriques à la peine, sauf en France

Et dans ce marché, la progression des ventes des véhicules électriques ralentie. Entre 2021 et 2022, leur part dans les ventes de véhicules neufs s’est élevée à 71%. Depuis le début de l’année, elle passe de 13% à 11%. La principale baisse revient à l’Allemagne dont la part des véhicules électriques passe de 14% en 2023 à 11% sur le premier trimestre 2024. La France fait office d’exception avec une progression des véhicules électriques de 15% en 2023 à 16% en 2024.

Allemagne : la fin des mesures incitatives pèse sur la logistique automobile

Pour Justin Cox, l’état du marché s’explique en partie par une conjoncture économique marquée par l’inflation. Quant au marché allemand, la baisse de la part de l’électrique tient surtout à la fin des aides à l’achat du gouvernement. Du côté de la production, l’Europe ne parvient pas à retrouver son niveau d’avant la pandémie. Certes, en 2023, la production automobile a progressé de 14% à 18 millions de véhicules. Elle est prévue croître de 1% en 2024 à 18,2 millions d’unités.

La Chine, premier exportateur automobile

Or, dans le même temps, la Chine continue de s’imposer. Sa production croît et surtout ses exportations. Avec plus de 4M de voitures exportées, la Chine est devenue le premier exportateur automobile en 2023 en dépassant l’Allemagne et le Japon. L’Europe a importé environ 1 million de voitures chinoises, dont plus de la moitié sont destinées au marché russe. Selon les chiffres d’ECG, l’Union européenne a importé 470 000 unités.

Des taxes de 25% sur les véhicules électriques chinois

Face à l’entrée sur le marché européen de véhicules chinois, le Vieux continent tente de donner un cadre règlementaire. Namrita Chow, responsable Business Intelligence d’ECG, a fait le point sur les mesures anti-dumping prises et à prendre. Les droits actuels sur les importations sont de 10 %. Ils pourraient passer à 25% à terme. Pour la Chambre de commerce Chine-UE (CCCEU), cette mesure ne cadre pas avec la politique environnementale du continent. « La mise en œuvre de droits de douane élevés est susceptible d’augmenter encore les prix déjà élevés des véhicules électriques sur le marché européen. Cela aura pour effet de réduire l’intérêt des consommateurs pour ces véhicules et ralentir la transformation du parc automobile », indique dans un communiqué la CCCEU.

L’enregistrement des importations

La décision de l’Union européenne se confirme dans un règlement du 5 mars. L’UE a mené une enquête sur les importations de véhicules électriques. Ainsi, sur la période entre octobre 2023 et janvier 2024, la progression du nombre de voitures chinoises entrant en Europe s’établit à 14% à 177 839 unités, par rapport à la même période un an plus tôt. Alors, « un risque existe qu’un nombre croissant de producteurs de l’Union soit touché par la baisse des ventes et des niveaux de production si les niveaux accrus actuels des importations en provenance de la Chine à des prix présumés subventionnés se poursuivent, comme cela a été démontré jusqu’à présent après le lancement de l’enquête. Il est évident que ce risque aura un impact négatif sur l’emploi et les performances globales des producteurs de l’Union. Cela constituerait un préjudice difficilement réparable », indique le règlement. Dans ce contexte, l’UE impose l’enregistrement des importations de véhicules électriques chinois. Une procédure qui s’étale sur neuf mois.

États-Unis : des mesures de sauvegarde du marché

Cette décision n’est pas unique. Aux États-Unis, continue Namrita Chow, les taxes sur les importations de véhicules sont appelées à augmenter. Elles passeront de 27,5% actuellement à 102,5%. La dépêche de l’agence Associated Press ne précise pas l’entrée en vigueur de ce dispositif. En pleine année électorale, l’administration de Joe Biden veut sauvegarder son marché. Le poids des véhicules électriques chinois dans le pays reste encore faible. Cependant, Washington s’inquiète de l’arrivée massive de voitures à bas prix qui viendrait concurrencer les producteurs nationaux.

Des usines chinoises en Europe pour une logistique automobile différente

Ces décisions politiques peuvent avoir un effet sur la logistique. Le jeu d’intimidation entre l’Europe et la Chine d’une part, et les États-Unis et la Chine d’autre part, peut aboutir à des changements de production. Plusieurs sociétés chinoises regardent actuellement à s’implanter sur le territoire européen en construisant des usines. L’effet attendu est un transfert modal des approvisionnements. La logistique passera du mode maritime au terrestre. Et, selon Justin Cox, avec un taux d’utilisation des usines européennes d’automobile en stagnation, l’arrivée sur le continent de constructeurs chinois pourrait précipiter la fermeture d’usines européennes. Les prévisions de production en Europe tablent sur des progressions faibles. « Les niveaux de production d’avant la pandémie ne seront pas atteints sur cette décennie », conclu Justin Cox.