Conglit Ukraine/Russie: BP, Equinor et Shell quittent la Russie, TotalEnergies et Engie sur la sellette
Le conflit entre l’Ukraine et la Russie se pose aussi pour les entreprises européennes présentes en Russie. La décision de maintenir une activité localement ou de se retirer a été longuement discuté en interne. Pour BP, Shell et Equinor, le retrait est acté. TotalEnergies et Engie donnent des réponses plus nuancées. Nous reprenons, ci-dessous, un article de Gaël Cogné de Mer et Marine.
Sous pression, de grandes majors pétrolières ont pris la décision en cascade de se retirer de leurs joint-ventures respectives en Russie. Coup sur coup, BP, Equinor et Shell ont annoncé qu’ils allaient quitter le pays après sa décision d’attaquer l’Ukraine. Désormais les regards se tournent vers les français TotalEnergies et Engie.
BP vend sa participation dans Rosneft
BP a pris la décision le 27 février de vendre sa participation de 19.75% au sein de la compagnie d’Etat Rosneft détenue depuis 2013. Un départ qui pourrait lui coûter 25 Md$. De plus, le directeur général de BP, Bernard Looney, et son prédécesseur, Bob Dudley, ont démissionné du conseil d’administration du groupe pétrolier russe présidé par l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder et dirigé par Igor Schein, un proche de Vladimir Poutine. Cette décision annoncée le 27 février est survenue après un entretien entre le directeur général du groupe et le ministre de l’Industrie britannique, Kwasi Kwarteng.
Une décision saluée par le ministre britannique
Ce dernier a salué la décision de la major estimant que l’invasion russe devait être « un signal d’alarme pour les entreprises britanniques ayant des intérêts commerciaux dans la Russie de Poutine ». BP était le plus gros investisseur étranger en Russie. Le groupe était présent depuis trois décennies en Russie et Rosneft représente environ la moitié de ses réserves de gaz et un tiers de sa production.
Equinor se désengage
Dans la foulée, dans la nuit du 27 au 28 février, c’est le géant Equinor, contrôlé à 67% par l’Etat norvégien, qui a décidé de cesser ses investissements et se désengager de ses joint-ventures en Russie. Equinor détient 1.2 milliards d’actifs en Russie. Lui aussi était présent depuis plus de 30 ans dans le pays et lié à Rosneft depuis 2012 à travers un accord de coopération. Mais Anders Opedal, patron d’Equinor, a expliqué que la position du groupe était devenue « intenable ».
Shell quitte Gazprom et ses filiales
Le conseil d’administration de Shell a ensuite annoncé « son intention de se retirer de ses coentreprises avec Gazprom et des entités liées ». Le groupe anglo-néerlandais a précisé que cela comprenant sa participation de 27,5 % dans l’installation de gaz naturel liquéfié Sakhalin-2 (sur l’île de Sakhaline), sa participation de 50 % dans le développement des champs pétroliers de Salym en Sibérie occidentale et la coentreprise Gyadan avec Gazprom pour explorer et développer des blocs sur la péninsule de Gydan, au nord-ouest de la Sibérie. Il va aussi mettre fin à sa participation au sein du projet de gazoduc Nord Stream 2. Shell a précisé que fin 2021, il disposait de 3 milliards d’actifs non courants dans ces sociétés en Russie, mais qu’ils devraient être dépréciés. Là encore, cette décision fait suite à un entretien entre le ministre de l’Industrie britannique et le patron de la major.
TotalEnergies n’apporte plus de capital
Qui seront les suivants ? En France, les regards se tournent vers TotalEnergies et Engie. Le premier possède près de 19,4% du gazier Novatek ainsi que des participations dans des projets gaziers (20% de Yamal LNG, 10% d’Arctic LNG 2 et 49% de ZAO Terneftegas). Il tire 16.6% de sa production d’hydrocarbures du sous-sol russe. Quant au second, il fait partie des cinq groupes énergétiques européens à avoir cofinancé le gazoduc Nord Stream 2 avec Gazprom.
Interrogé sur les activités en Russie des deux groupes, le ministre de l’Economie Bruno Lemaire a annoncé le 1er mars qu’il allait échanger avec leurs dirigeants, estimant qu’il y avait « un problème de principe à travailler avec toute personnalité politique ou économique proche du pouvoir russe ». En réaction, TotalEnergies a publié un communiqué annonçant qu’il « n’apportera plus de capital à de nouveaux projets en Russie ». Le groupe condamne « l’agression militaire de la Russie envers l’Ukraine » et dit approuver « l’étendue et la force des sanctions mises en place par l’Europe ». Il précise qu’il « les mettra en œuvre quelles que soient les conséquences (en cours d’évaluation) sur la gestion de ses actifs en Russie ».
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