Vracs secs : la boulimie chinoise des métaux rares pourrait modifier les marchés
Le besoin grandissant en métaux rares des industries chinoises a des impacts sur les échanges des vracs secs.
Dans son rapport hebdomadaire du 24 nombre, le courtier de fret Xclusiv analyse la situation des métaux rares. Il considère que la ruée de la Chine en Afrique n’est pas seulement liée à la construction de voitures électriques ou de géopolitique. Cet appétit chinois pour les métaux rares peut engendrer des modifications importantes dans les flux de vracs secs.
L’Afrique détient 30% des réserves minérales
Selon courtier de fret, « l’Afrique détient environ 30 % des ressources minérales mondiales. Ainsi, elle joue un rôle bien supérieur à son poids dans le domaine des batteries. » En effet, la République démocratique du Congo (RDC) fournit plus de 70 % du cobalt. De plus, elle détient environ la moitié des réserves mondiales. L’Afrique du Sud, le Gabon et le Ghana représentent plus de 60 % de la production de manganèse. Le Zimbabwe, la RDC et le Mali émergent comme producteurs de lithium. Enfin, le Mozambique et Madagascar sont des sources de graphite naturel en pleine expansion.
La Chine investi dans toute la chaîne d’approvisionnement
La Chine a pris le pari de transformer ces données géologiques en approvisionnements captifs. Dans ces conditions, environ 22 % de ses investissements en Afrique sont désormais liés à l’exploitation minière et aux infrastructures associées. L’Empire du milieu investit dans les chemins de fer, les routes et les ports reliant directement la Copperbelt (ceinture du cuivre en Zambie), le gisement de manganèse du Kalahari ou la ceinture de lithium du Zimbabwe aux fonderies et aux gigafactories chinoises. Le résultat est sans appel. En effet, 80% des minerais de cobalt et de manganèse destiné aux industries chinoises proviennent d’Afrique.
Le poids des sociétés minières contrôlées par la Chine
Sur le plan maritime, le contexte économique actuel « se traduit déjà par des échanges de marchandises en vrac de niche, en forte croissance. Les exportations de bauxite de la Guinée ont atteint près de 100 Mt au premier semestre 2025, soit une hausse de 36 %. Les sociétés minières contrôlées par la Chine représentant plus de 60 % des volumes », rappelle le rapport du courtier. Le Zimbabwe a exporté environ 1 Mt de concentré de spodumène entre janvier et septembre 2025, soit une hausse d’environ 27 à 30 %. Une hausse importante malgré la baisse des prix du lithium. La demande chinoise décide indépendamment des facteurs économiques. Le Mozambique et Madagascar produisent déjà ensemble environ 150 000 t/an de graphite naturel. De nouveaux projets soutenus par la Chine pourraient ajouter environ 260 000 t/an de capacité de concentration. Toutes ces cargaisons pouvant naturellement être transportées dans des navires de vrac sec de type Handysize à Panamax.
La distance et la croissance : les deux éléments du marché
Dans un contexte mondial où le marché du vrac sec a transporté plus de 5,6 Mdt en 2024, ces volumes restent modestes. Cependant, ils sont importants pour deux raisons : la croissance et la distance. Du côté de la croissance, il faut regarder ce qu’il se passe sur les minerais traditionnels. En effet, le charbon et les minerais de fer vivent des heures difficiles avec les nouvelles règlementations internationales. De leur côté, le lithium, le cobalt, le manganèse et le graphite sont au cœur de la transition énergétique. Du côté de la distance, « les voyages entre Nacala, Beira, Matadi ou Lobito et le nord de la Chine sont intrinsèquement longs. Toute diversification future vers les gigafactories européennes ou américaines ne ferait qu’allonger encore les tonnes-kilomètres. »
Une politique de sédentarisation des industries pour passer du spot en service régulier
Ensuite, la politique des pays renforce cette tendance. Ainsi, l’interdiction par le Zimbabwe des exportations de lithium non transformé a contraint les investisseurs chinois à financer des concentrateurs et, dans certains cas, des usines chimiques sur les sites miniers. Ces investissements transforment des flux spots en réguliers. « Le type de modèle qui sous-tend l’emploi périodique des vraquiers spécialisés. » La Guinée pousse les mineurs vers l’alumine locale, tandis que l’Afrique du Sud encourage une production accrue d’alliages de manganèse. Ces mesures favorisent le développement du commerce intra-africain de vrac, parallèlement aux exportations à longue distance.
Les corridors miniers au cœur du développement
De plus, une récente étude de S&P Global estime que le déficit en lithium et en cuivre peut intervenir dès 2035. De son côté, la Chine restreint ses exportations de matières minières transformées comme le graphite. Deux éléments qui plaident en faveur de l’investissement minier en Afrique. Une position qui incite les acheteurs occidentaux et japonais à se disputer des contrats d’achat qui, jusqu’à présent, étaient presque exclusivement attribués à la Chine. Or, si les contrats commencent à se répartir entre l’Est et l’Ouest, les itinéraires deviendront moins efficaces et le nombre de tonnes-kilomètres augmentera. Pour les armateurs opérant dans les vracs secs, le développement de ces matériaux ne remplacera pas les minerais de fer et le charbon. Cependant, « il peut fournir une demande structurellement croissante concentrée sur les tonnages Handy/Supra et Panamax. Dans un marché où les cargaisons traditionnelles semblent cycliques et exposées aux aléas politiques, ces nouveaux corridors miniers pourraient devenir l’un des moteurs de demande les plus résilients des années 2030. »

