Corridors et logistique

Céréales : la logistique conditionne le marché

Le marché céréalier vit au gré des crises mondiales qui perturbent les opérations logistiques. Les blés français tirent leur épingle du jeu mais sont confrontés à la concurrence russe.

Le bilan à fin septembre du CIC (Conseil International des Céréales) met en évidence une baisse des échanges mondiaux de céréales. Ainsi, dans ses dernières prévisions, il estime les volumes de blé tendre échangés dans le monde à 187 Mt sur la campagne. Un chiffre en baisse de 6% comparativement à la campagne précédente. Du côté des orges, les échanges s’établissent à 28,8 Mt, soit une baisse de 6% d’une année sur l’autre. Bien plus, les trafics d’orge devraient perdre 2 Mt par rapport à la moyenne quinquennale au cours de cette campagne. Quant au maïs, il est prévu d’échanger 172 Mt, soit 5% de moins.

Blé : 1,29 Mt à fin septembre

Dans ce contexte de crise, les exportations françaises suivent la tendance à la baisse générale. Ainsi, lors de la présentation des bilans céréaliers mensuels de France AgriMer le 11 octobre, l’organisme français estime les exportations de blé tendre à 1,29 Mt à fin septembre. Par rapport à la campagne précédente, ce chiffre est en net recul. En effet, à pareille époque en 2022, les exportations françaises ont atteint 3,75 Mt.

Baisse des flux vers l’UE

Des chiffres après trois mois de campagne qui démontrent l’attentisme du marché français. Dans son analyse, France AgriMer table sur des exportations totales de 17,2 Mt de blé tendre. Un chiffre en progression de 4% d’une année sur l’autre. Une hausse des trafics qui profitera aux expéditions vers l’Union européenne. Effectivement, l’organisme français prévoit d’exporter 7,3 Mt vers les autres pays de l’UE. Une augmentation de 15% par rapport à l’année passée. Et pourtant, les analystes de France AgriMer revoient leurs calculs. Les trafics destinés à l’Espagne et au Benelux devraient baisser. Ces pays semblent préférer des productions d’Ukraine plutôt que les blés français.

Les trafics avec l’Afrique en progression

Du côté des exportations de blé français vers les pays tiers, ils s’affichent en retrait 3% par rapport à la campagne précédente à 9,8 Mt. Cependant, au cours des dernières semaines, la Chine et des pays d’Afrique sub-saharienne se tournent vers les productions françaises. Si les chiffres globaux des exportations reculent, les trafics céréaliers avec l’Afrique sont attendus en progression. Ce sont les pays d’Afrique du Nord qui dopent les exportations françaises. Ainsi, les prévisions estiment à 8,6 Mt de blés français exportés sur l’Algérie. Un volume en hausse. La Tunisie est attendue avec l’achat de 2,6 Mt en France.

Maroc : 79% des importations depuis la France

Quant au Maroc, France AgriMer a voulu faire un focus sur le pays. Le royaume chérifien devrait importer 5,4 Mt sur la campagne. La récolte 2023 a été meilleure sans toutefois permettre de répondre à une demande croissante. Le pays importe principalement du blé tendre, du maïs et des orges. Pour le blé tendre, France AgriMer estime que la France peut réaliser la majorité des importations. Pour mémoire, sur la précédente campagne, la France a traité 60% des importations. Et sur les trois premiers mois de campagne, la part de marché française au Maroc atteint 79% à 771 000 t. L’autre fournisseur marocain en blé tendre est l’Allemagne.

La Russie donne du blé en Afrique

Quant à l’Afrique sub-saharienne, ses besoins demeurent stables d’une campagne à l’autre. Sur ces marchés, les blés français se retrouvent en concurrence avec les productions de mer Noire. En septembre, le Kremlin a annoncé être prêt à livrer gratuitement des blés aux pays d’Afrique sub-saharienne. Il s’agit du Burkina Faso, de la République Centrafricaine, de l’Érythrée, du Mali et de la Somalie. Chacun de ces pays recevra entre 25 000 t et 50 000 t d’ici à fin novembre. L’annonce n’a pas encore été clarifiée. S’agit-il d’une gratuité des produits, de la logistique ou du lot produit et logistique, voire d’une campagne marketing sans réelle intention ? À ce jour, aucune précision n’a été apportée. Cependant, dans une bonne logique politique, l’offre pourrait concerner l’ensemble : blé et logistique.

Russie : un potentiel d’export de 50 Mt

Alors, si la Russie offre des céréales à l’Afrique sub-saharienne, elle entend aussi garder son avantage avec sa production importante. Le gouvernement russe impose un prix plancher pour la production russe. Une attitude qui limite les opérateurs russes dans les appels d’offres. Ainsi, la France a pu placer deux navires dans un appel d’offres du gouvernement égyptien. Malgré ce prix plancher, les observateurs tablent sur des exportations de 50 Mt de la part de la Russie au cours de la campagne. La production nationale a perdu 14 Mt par rapport à l’année passée mais reste à des niveaux élevés.

La logistique, le nerf de la guerre

C’est sur la logistique que la Russie peut rencontrer des difficultés. L’entrée en mer Noire reste risquée. Pour un armateur, rejoindre un port russe signifie des hausses importantes de ses primes d’assurances. Les candidats au voyage ne sont pas nombreux.

Les attaques russes vers les ports ukrainiens

Quant à l’Ukraine, depuis le début du conflit, elle voit son potentiel exportable se réduire. Pour la campagne actuelle, l’Ukraine exportera 13,3 Mt, soit 21,3% de moins que la campagne précédente. De plus, la fin des corridors humanitaires en juillet handicape la logistique. La fin des corridors coïncide avec la reprise des attaques russes sur les installations portuaires ukrainiennes de mer Noire. Selon l’agence de presse Reuters, la Russie a détruit 300 000 t de céréales depuis le mois de juillet par ses bombardements.

Réni et Izmail, cibles des attaques

De plus, l’armée russe a attaqué les ports ukrainiens du Danube. Ainsi, Réni et Izmail ont perdu de nombreuses installations. Des ports pris pour cible en raison, selon les observateurs, de leur performance dans l’exportation de céréales. En effet, depuis le mois de juillet, les deux ports ont exporté 1 Mt.

Un nouveau corridor maritime

Pour maintenir la présence des blés ukrainiens sur le marché international, Kiev met en place un corridor maritime pour sortir des céréales par voie maritime. Plusieurs navires ont emprunté ce corridor sans subir de dommages. L’armée russe menace de tirer sur les navires qui chargent dans les ports ukrainiens. Le Kremlin n’a pas mis à exécution ses menaces. En continuant à exporter ses céréales par voie fluviale, routière, ferroviaire et maritime, le prix de la logistique des céréales ukrainiennes baisse.