Charbon : quand la Chine deviendra verte
Les trafics de charbon dans le monde connaissent un revirement. Après avoir enregistré des baisses de trafic pendant la pandémie, le charbon revient à des niveaux pré-Covid. De plus, les orientations des flux se modifient.
Les perspectives de trafic laissent peu de doutes. En 2023, le charbon est la première matière première transportée dans le monde. Des flux qui frôlent le milliard de tonnes échangées à fin septembre. Les baisses de trafic enregistrées après la pandémie s’effacent.
Un volume de 991 Mt
Les chiffres attestent de cet engouement mondial pour le charbon. En effet, sur les neuf premiers mois de l’année, le trafic de charbon atteint 991 Mt, soit 5,5% de plus qu’en 2022. Des chiffres que le courtier italien Banchero Costa tire des analyses de flux intercontinentaux. Ce volume proche du milliard de tonnes n’englobe pas le cabotage. Bien plus, les volumes de charbon échangés sur les trois trimestres de l’année surpassent de 1,7% ceux de 2019.
L’Indonésie produit 36% des exportations de charbon
Du côté des flux, entre exportateurs et importateurs, le marché se modifie légèrement. Ainsi, du côté des exportateurs, l’Indonésie prend la plus haute marche du podium. À fin septembre, le pays a exporté 361,2 Mt. Des sorties en progression de 9,8% d’une année sur l’autre. Sur ces premiers mois de l’année, l’Indonésie garde plusieurs longueurs d’avance avec 36% de parts de marché. En seconde position vient l’Australie. Sur les trois premiers trimestres, elle a exporté 254,2 Mt. Un volume en progression de 3,3%. La dernière marche du podium est occupée par la Russie avec un trafic de 143,4 Mt, en augmentation de 3%.
La progression du Mozambique
Derrière les trois « majors » du charbon suivent les États-Unis dont les exportations ont progressé de 13,6% à 63,6 Mt. Vient ensuite l’Afrique du Sud avec 44,7 Mt. Le pays du cap de Bonne espérance perd 2,6% de son trafic d’exportation de charbon. Enfin, ce Top 6 des exportateurs de charbon se conclu avec la Colombie qui a expédié 43,2 Mt. Un volume en progression de 1,7%. Dans sa newsletter de novembre, le courtier italien Banchero Costa indique la part grandissante du Mozambique. S’ils demeurent moins importants que leurs concurrents, les ports mozambicains ont exporté 17,7 Mt de charbon sur les trois trimestres. Un trafic en progression de 21,7%.
Une tonne sur quatre consommée en Chine
De l’autre côté de la chaîne se trouve les importateurs. Ici aussi, peu de changements d’une année sur l’autre. La Chine demeure le principal acheteur de charbon dans le monde avec 269,5 Mt. Comparativement à 2022, l’Empire du milieu a augmenté considérablement ses achats. Les importations de charbon en Chine ont augmenté de 60,6%, indique Banchero Costa. Globalement, cela signifie que la Chine achète plus de 25% des flux de charbon. L’Agence internationale de l’énergie (IAE) rappelle dans son rapport mensuel d’octobre qu’en 2023, une tonne sur quatre de charbon est consommée en Chine.
Inde : elle consomme 19% du volume mondial
Derrière la Chine se place l’Inde. Le pays a importé 171 Mt, soit 2,8% de moins que l’année passée. Le pays demeure malgré tout le second consommateur de charbon avec 19% du volume de charbon mondial importé. Ainsi, dans son analyse de marché du 17 octobre, le courtier grec Intermodal revient sur la situation en Inde. « Délaissons l’analyse de la demande chinoise pour se concentrer sur les flux de matières premières en Inde. Il ressort que les trafics de charbon dominent le marché des vracs secs dans le pays », indique le courtier. Et dans le même ordre d’idée, le courtier rappelle que le charbon demeure la commodité la moins chère et la plus sûre en Inde.
Le coût élevé des énergies renouvelables
Or, l’Inde construit actuellement des centrales thermiques capables de fournir 65,3 GW de capacité. La moitié est en construction, l’autre partie est en phase de préparation. « La question se pose de savoir si l’Inde a réellement besoin de toute cette capacité électrique supplémentaire », continue le courtier grec Intermodal. Au cours de l’été, le pays a dû faire face à une demande en forte croissance. Dès lors que la météo dépasse des pics de chaleur et que la production industrielle s’accroît, la demande locale augmente. Et en Inde, tout comme en Asie, la transition énergétique n’entre pas dans les mentalités. La construction de ferme d’éoliennes et de champs de panneaux solaires s’avèrent d’un coût trop élevé. Alors, selon le courtier Intermodal, la production d’électricité par des centrales thermiques en Inde conserve tout son intérêt. Dans les prochaines années, le pays continuera à produire 70% de son électricité par des centrales thermiques. Les projets de construction dans les cartons du gouvernement en attestent.
La Chine: 5Mdt consommée
De plus, le volume des échanges internationaux de charbon doit s’analyser en regard des productions locales. Ainsi, selon l’Agence internationale de l’énergie, Ainsi, la Chine doit produire, selon les premières estimations, 4,6 Mdt de charbon en 2023. Une production utilisée localement. Alors, en additionnant la production locale et les importations prévues, le volume de consommation de charbon en Chine est attendu au de-là de la barre des 5 Mdt.
Inde: réduire la dépendance aux marchés internationaux
Pour sa part, l’Inde doit produire en 2023, environ 989 Mt. Le gouvernement table sur une production de plus d’un milliard de tonnes en 2024. Or, une grande partie de ce charbon indien est consommé sur place, et une quantité réduite part à l’export. Le pays a besoin de cette matière première tant pour produire son électricité que pour sa production industrielle nationale. Déjà, le gouvernement indien a parfois imposé des quotas sur l’exportation de charbon. Il souhaite diminuer sa dépendance aux marchés internationaux.
Dans ce contexte économique, la transition écologique apparaît pour les pays exportateurs comme le glas d’une partie de leur économie. Si, par exemple, la Chine produit suffisamment de charbon pour sa consommation intérieure avec une production électrique écologique. Pour les producteurs de charbon, il faudrait trouver de nouveaux débouchés.
Les tensions entre la Chine et l’Australie
Cette situation, l’Australie l’a vécue en 2020. Des tensions diplomatiques entre Canberra et Pékin en 2020 ont placé l’Australie sur la liste noire de la Chine. Ainsi, les volumes de charbon australien ont chuté de 99% à 500 000 t en 2021, au plus fort de la crise. En 2020, l’Australie a exporté 66,6 Mt de charbon vers la Chine. En 2023, avec la fin de la crise diplomatique, l’Australie retrouve le chemin des expéditions vers la Chine. Sur les neuf premiers mois de l’année, le pays a exporté 38,7 Mt. Si ce chiffre reste encore à plusieurs longueurs des volumes de 2020, ils progressent chaque mois.
De nouveaux débouchés
Pour éviter un collapsus de cette industrie, les producteurs australiens ont cherché de nouveaux marchés. Ainsi, ils ont pris des parts de marché en Inde face à l’Indonésie. Le retour des relations économiques entre la Chine et l’Australie permet à l’Indonésie de gagner des parts de marché en Inde.
L’avenir du maritime
Enfin, d’un point de vue maritime, que se passera-t-il si les volumes de charbon disparaissent ? Le milliard de tonnes transportées annuellement peut mettre en péril toute l’économie des Capesizes et Valemax opérant sur ces flux. Les trafics de minerais et les autres vracs ne pourront compenser la perte de cette demande. Pour les armateurs, cela signifie d’opérer des navires à des taux de fret bas, voire d’envoyer à la démolition un grand nombre de navires. Par conséquent, si la Chine et l’Inde deviennent trop écologiques, les dommages collatéraux pour l’industrie maritime auront l’effet d’un tsunami.