Calais : le trafic fret transmanche s’est effrité en 2018
La Société d’exploitation des ports du Détroit, qui regroupe les ports de Calais et de Boulogne, a présenté ses résultats 2018 le 14 janvier. Les chiffres de Calais s’effritent et le port se prépare à un Brexit sans accord.
L’année qui s’est achevée aura certainement le titre de celle du pré-Brexit pour bon nombre d’observateurs. Les ports de la Manche attendent avec impatience le vote du Parlement britannique sur l’accord négocié par la Première ministère britannique, Theresa May. En attendant, les trafics de 2018 affichent une baisse globale de 8,3% à 46,9 Mt. Le cluster des ports nordistes repasse sous la barre des 50Mt. L’activité majoritaire des deux ports se concentre sur le transmanche. Avec 1,9 M de poids lourds qui ont emprunté les services de ferry, ce courant enregistre une baisse de 4,5% en nombre. Le trafic en tonnage subi plus fortement la baisse avec une diminution de 7,2% à 45,6 Mt. Pour la direction de la Société d’exploitation des ports du Détroit (SEPD), l’année doit s’analyser selon la disponibilité de la cale. Au cours du premier semestre, l’absence du Pride-of-Kent a perturbé le trafic. Le navire a subi en décembre 2017 des avaries suite à une tempête. Il est resté pendant six mois en réparation. L’offre de services des ferries n’a pas été compensé et au final, le premier semestre a montré une baisse du volume traité. La seconde partie de l’année a été meilleure, dès lors que le navire a pu reprendre ses rotations. Au total, le port de Calais perd 3,5Mt de son trafic annuel. Une perte sur le fret compensée en partie par l’augmentation de trafic des passagers et des véhicules légers, «Un signe de la confiance retrouvée chez les britanniques dans le passage par le port de Calais », indique la direction du port.
Si la baisse de trafic sur le transmanche reste relativement faible, il en est tout autrement pour les opérations sur le port de commerce. À Calais, le trafic a perdu 62% à 507 147 t. Après une année 2017 dominée par le trafic de sucre retrouvé, les matériaux de construction et les produits pétroliers, l’année 2018 s’inscrit comme un négatif de 2017. Le trafic de sucre reste un élément important mais il n’a pas pu s’inscrire dans une continuité de 2017. En 2018, ce sont principalement des trafics de sable et cailloux, coke de pétrole et de pierre à chaux pour la Norvège et la Finlande qui ont composé les trafics. La situation difficile de Calais est contrebalancée par celle de Boulogne qui voit le trafic de son port de commerce augmenter de 20,4% à 799 422 t. Une activité portée par les trafics destinés à la construction de Calais Port 2015. Les enrochements et les graviers constituent les principaux courants de ce port. En 2018, deux nouvelles grues sont venues compléter l’offre portuaire de Boulogne, en vue de répondre à une demande croissante de trafics en conventionnel.
Une enveloppe de 15M€ dont 12M€ pour Boulogne
La SEPD a investi sur les deux sites près de 15M€, dont 12M€ pour Boulogne. À Calais, les investissements ont concerné des travaux d’amélioration de l’accueil des voyageurs avec de nouveaux aménagements et l’embellissement du site. Du côté de Boulogne, l’enveloppe a été consacrée à l’amélioration du port de commerce et de pêche mais aussi sur la zone de Capécure, dédiée à l’industrie de la pêche en grande partie.
La grande partie des investissements visent le projet de Calais Port 2015. La mise en service est prévue en 2021, « le 13 janvier 2021 », assure Jean-Marc Puissesseau, président-directeur général du Port Boulogne-Calais. Les travaux avancent à grands pas. Déjà, la digue est achevée sur toute sa longueur de 3,2 km. Le poste 10 pour les ferries a été livré avec un an d’avance. Avec le dragage, le port a pu utiliser les déblais pour créer une emprise sur la mer de 45 hectares. Les travaux pour les deux derniers postes de chargement, les numéros 11 et 12 devraient continuer en 2019.
Au cours de cette année, la société prévoit d’investir encore 15M€. À la différence de l’an passé, Calais engrangera la majorité de l’enveloppe. Il y sera amélioré les conditions d’accueil des passagers, une nouvelle signalétique mais aussi des travaux d’embellissement. La majorité de cette somme sera malgré tout consacrée à des travaux pour adapter le port aux conditions d’un Brexit sans accord. « Un coût évalué à plus de 5M€ », indique Jean-Marc Puissesseau.
Brexit: « tout est prévu »
Parce qu’il s’agit bien d’une nouvelle ère qui va s’ouvrir le 29 mars lors du Brexit. La question de savoir s’il s’agira d’une sortie du Royaume-Uni dans le cadre d’un « no deal » ou avec un accord, la direction de Boulogne-Calais se prépare au pire. « À force de réunion avec les représentants de l’État, les transporteurs routiers et les différentes instances impliquées, nous sommes prêts. Tout est prévu », assure le président directeur général du port de Boulogne-Calais. Et il va plus loin en affirmant que de nombreuses se sont dites ou écrites ces derniers mois qui ne sont pas fondées. Jean-Marc Puissesseau explique avec détails les conditions dans lesquels le port fonctionnera à partir du 29 mars. À l’export, les camions arrivent sur une aire, appelée « Buffer » pour vérifier que la déclaration en douanes a bien été déposée. « Il ne s’agit pas de la contrôler mais d’une déclaration de réalisation ou non ». Dans l’hypothèse où le transporteur routier dispose de sa déclaration en douane, il continue son chemin vers la zone de chargement. S’il ne l’a pas faite, il est orienté sur un autre parking afin de procéder aux formalités douanières. Le parking pourra accueillir jusqu’à 200 ensembles routiers. « Aujourd’hui, des contrôles aléatoires se font ainsi que ceux pour les migrants. Demain, rien en changera sauf à déclarer si la déclaration en douane est bien réalisée », continue Jean-Marc Puissesseau. Alors, rien ne doit empêcher la fluidité du trafic de se faire à l’export de Calais assure la direction du port. À l’import, les autorités portuaires scanneront les plaques d’immatriculation. Aucun camion ne pourra embarquer sur un ferry sans avoir réaliser ses formalités douanières. Ainsi, à leur arrivée à Calais, les camions pourront directement sortir du port et se rendre sur l’autoroute ou, si les douanes le juge nécessaire, être inspectés . Le port de Calais a prévu un parking dédié. Les camions qui devront procéder à des inspections vétérinaires et phytosanitaires seront dirigés directement vers un terminal avec un poste d’inspection frontalière. Sur le papier, toutes les situations sont prévues. Pour la direction du port, il est certain que les premiers jours il faudra des réglages de dernière minute mais le port assure qu’à force de réflexions, les différents scénarios sont envisagés.
Quant aux trafics avec l’Irlande, qui reste dans l’Union européenne, les choses devraient se dérouler tout aussi bien. Actuellement, un grand nombre de camions empruntent les routes britanniques pour se rendre sur le continent. Une solution qui permet aux transporteurs de compléter parfois leurs chargements. Il existe des titres de transit spécialement étudié pour ces cas. « Il y aura une procédure à suivre mais nous n’aurons pas plus de contrôles que précédemment », assure le président-directeur général du port de Boulogne-Calais.
Pour Benoît Rocher, le directeur général du port de Boulogne Calais, il existe un trafic de remorques non accompagnées entre Calais et l’Irlande. « Nous cherchons une solution mais il faut prendre en compte que la liaison entre la France et l’Irlande par Calais se déroule en 14 heures par voie routière quand elle mettrait plus de 20 heures par voie maritime ». La direction du port reste malgré tout persuadée qu’il existe un potentiel.
Le pdg du port est aujourd’hui sérieusement tendu avec les annonces des uns et des autres. Il assure qu’à Douvres il n’y aura pas plus de congestion. L’exercice réalisé sur des anciennes pistes d’aéroport sont absurdes. « Il faut faire confiance aux opérateurs de transport qui sont des professionnels et qui savent ce qu’ils ont à faire. » Pire, quand le ministre britannique des transports Chris Grayling, annonce une enveloppe de 100 M£ à distribuer entre Brittany Ferries, DFDS et un futur nouveau venu, Seabourne Shipping, c’est un manque de respect pour ce que font les ports, indique Jean-Marc Puissesseau. « Pourquoi faire venir un nouvel armateur sur le transmanche quand nous avons déjà plusieurs opérateurs ? De plus, il est armateur que sur le papier, il n’a pas de ferries. Et que va-t-il faire à Ostende ? ». Des questions qui restent en suspens pour le moment mais qui irrite la direction du port. Depuis les accords du Touquet, le port de Calais dépense chaque année 15M€ dans le contrôle des migrants. En réponse au ministre, Jean-Marc Puissesseau assure qu’il demandera la révision des accords du Touquet.