Ports

Assises du Port du Futur : l’investissement privé au service du développement portuaire

La seconde journée des Assises du Port du Futur, qui se sont déroulées à Lille les 24 et 25 septembre, a réuni une table ronde autour des investissements privés dans les ports et la part qu’il faut allouer au privé et au public.

Les investissements privés dans les ports doivent résoudre une équation de proportionnalité : quelle part leur attribuer pour une meilleure performance portuaire ? André Merrien, de Egis Port, a expliqué les différents types de ports qui existent dans le monde. Entre les ports entièrement publics, qui ne subsistent qu’au Bangladesh et dans quelques pays, ou les ports entièrement privés comme en Mer noire dans l’ex URSS, des solutions ont vu le jour. « Le modèle de landlord port offre une bonne répartition entre le public et le privé », assure le directeur d’Egis Port. Donner un port à un opérateur privé spécialisé permet de s’assurer un succès commercial. « Sans grand opérateur pas de grand terminal », a déclaré André Merrien. Une affirmation qui connaît des exceptions. Ainsi, à Sète, le terminal à conteneurs a été concédé au groupe DP World, un des premiers opérateurs mondial de terminaux. Un an après avoir fait son entrée sur le port héraultais, le groupe émirati a plié bagage. Un grand groupe n’est donc pas toujours synonyme de réussite d’un terminal à conteneurs. La concession au privé permet à l’État de reporter sur ces sociétés des investissements parfois trop coûteux pour la puissance publique. Une opération qui doit permettre de réduire les coûts du passage portuaire. Or, continue le responsable d’Egis Port, à Cotonou, au Bénin, quand un fonds américain a décidé d’aider le pays à améliorer ses infrastructures portuaires, et après la concession du terminal au groupe Bolloré, le constat a été sans appel : les prix n’ont pas baissé. Avec aussi un risque grandissant : voir des opérateurs créer des monopoles dans une région. Ainsi le rachat des activités de Bolloré en France par le groupe Khun va remodeler le paysage portuaire français des vracs solides. Deux groupes, Sea Invest et Khun, géreront 80% de ces trafics en France. En Afrique de l’ouest, Bolloré et APM Terminals ont créé une situation de domination dans le marché de la conteneurisation dans ce secteur. « C’est un risque, mais le tout public n’est pas la solution ».
La situation dans les ports régionaux en France n’a que peu de différences avec les Grands ports maritimes. Denis Massol, directeur adjoint de la Région Occitanie en charge des transports, a expliqué la stratégie d’une collectivité locale comme opérateur portuaire. Le budget total de la Région s’élève à 3Md€ dont 1Md€ pour les investissements. Propriétaire de deux ports, Sète et Port La Nouvelle, la Région Occitanie a voulu partager son enveloppe destinée aux ports entre la valorisation du patrimoine et le développement. La valorisation du patrimoine permet au port de conserver ses marchés. Quant au développement, « il faut soit répondre à une demande soit entrer dans une logique d’offre au marché ». C’est dans cet esprit que la Région s’est penché au chevet de Port La Nouvelle. « Sans investissements massifs, Port la Nouvelle va perdre ses marchés. Nous devons investir pour que le port continue de vivre », a continué Denis Massol. Citant l’exemple des céréales, la Région a décidé de créer des silos et d’améliorer l’infrastructure pour améliorer l’accès des navires et redonner une place au port dans le marché céréalier méditerranéen. Dans son plan d’aménagement, la Région prévoit d’investir 240M€ sur les 40 prochaines années. Une société d’économie mixte avec des privés intervenant pour 51% participera avec une enveloppe de 440M€ sur la même période. « Ce que nous faisons sur Port La Nouvelle, nous ne le ferons pas sur Sète », à savoir que des investissements sur les céréales à Port La Nouvelle ne seront pas dédoublées à Sète. Que va-t-il devenir des trafics céréaliers de Sète ? Port La Nouvelle étendra son hinterland jusqu’aux limites de quel autre port français ? Le « travailler ensemble » appliqué par les opérateurs des Hauts de France ne semble pas avoir encore franchi la Loire. La salle s’est interrogée sur la coordination entre les ports de Méditerranée : Sète, Port La Nouvelle, Marseille-Fos et Toulon. « Nous sommes complémentaires et pas en concurrence », a rappelé Denis Massol, oubliant par la même le terminal des Tellines à Fos.
Quant à la société que la Région veut créer avec le privé, la Semop, elle aura une majorité de son capital détenu par les opérateurs privés mais elle sera dirigée par la présidente de la Région. « Les opérateurs privés acceptent cette situation », assure Denis Massol. Selon des participants à ces assises du Port du Futur, « encore faudrait-il avoir des opérateurs présents dans cette société, d’une part, et d’autre part, être certain qu’ils ne se rebelleront pas ultérieurement. »