Vous en rêviez, le port d’Anvers l’a fait
Nous avons tous reçu dans nos boîtes mail la campagne de promotion du port d’Anvers qui rappelle la réalité du terrain des flux de conteneurs. De Hambourg à Valence en passant par Le Havre et Marseille, le port d’Anvers fourni les chiffres des trafics conteneurs. Il est le seul port à enregistrer une hausse de son trafic sur le premier semestre. Certes, cette progression est faible, 0,4%, mais elle a le mérite d’exister.
Des chiffres à remettre en perspective
De quoi faire rêver les ports en Europe. Le document note une baisse de 29% pour Le Havre. Sur l’ensemble de l’axe Seine, la baisse est moindre selon les chiffres communiqués par Haropa. Elle se situe à 20,5%. Le port cite Barcelone avec des diminutions de 20%. Il ne prend même pas Marseille en considération. Le GPM de Marseille-Fos accuse un repli de 17% mais avec un niveau deux fois moins élevés que son concurrent catalan. Marseille-Fos a réalisé plus de 610 000 EVP quand Barcelone atteint 1,3 MEVP.
Et les céréales?
Tentons d’être positif. Ce que Anvers a réussi sur les conteneurs, les ports français l’ont réalisé sur les céréales. La qualité des blés sur la dernière campagne céréalière a sauvé le premier semestre pour certains établissements. Du côté de leurs concurrents européens, les trafics de vracs solides ont tous chuté face à la baisse de la consommation de charbon des ménages et le ralentissement de la sidérurgie.
Le double effet Kiss Cool
Concentrons-nous sur les flux conteneurisés. Au premier trimestre, Anvers a affiché une hausse de 25%. En France, le monde portuaire a accusé les dockers et les mouvements sociaux de décembre et janvier d’avoir porté un coup dur à une décennie de paix sociale. Alors, les industriels français, du moins ceux qui sont encore basés sur le territoire, ont pris le chemin des rives de l’Escaut pour importer et exporter leurs marchandises. La crise sanitaire de la Covid-19 a été le second effet Kiss Cool sur le monde portuaire. Une baisse de la consommations généralisée en France et dans toute l’Europe a ralenti le trafic portuaire.
Anvers voit sa croissance se tasser
Pourquoi ne les chargeurs français ne sont pas revenus au second trimestre ? En posant l’équation, nous nous apercevons que sur le second trimestre de l’année, Anvers a perdu de sa croissance par rapport à l’année précédente. Si tous les chargeurs qui étaient partis à Anvers avaient fait le choix d’y rester, sa progression serait identique à celle du premier trimestre. Or, le tassement de la hausse de trafic montre qu’il s’agit d’un effet de baisse de la consommation généralisée en Europe. Le port d’Anvers n’a pas régressé, il a gardé ses parts de marché.
Quid de la valeur ajoutée?
En France, face à ce mouvement, certains ports ont une attitude moins « vénale ». Ils préfèrent regarder la valeur ajoutée que le port apporte au territoire plutôt que de se mesurer à coup de chiffres. Compte tenu du volume de marchandises qui transitent par le port scaldien, pas de doutes que la valeur ajoutée d’Anvers En Europe reste parmi les plus forte.
Un ministère de la mer
Pas de soucis, nous avons désormais un ministère de la mer. C’est sans oublier que le monde portuaire n’a pas encore trouvé sa tutelle. Entre le ministère chargé des transports, celui de la mer, celui de la transition écologique, dont les ports constituent un moteur selon le Plan de relance, et Bercy, nous entrons dans une période où l’interministériel va jouer à plein. Un ministère de la mer qui prend toute sa mesure. Nous avons la deuxième superficie de zone économique exclusive au monde. Dans le même temps, le premier port français se situe à la 50è place.
« Des clopinettes »
Ce ministère n’a pas su jouer suffisamment des coudes lors de la répartition des aides allouées par le Plan de relance. Il dispose, sur le milliard, de 650 M€. C’est toujours mieux que rien. Néanmoins, le monde portuaire se retrouve avec 30% de cette somme, soit 200M€. « Des clopinettes », « et pour quoi faire ? », « c’est de la mendicité » nous ont confié des responsables du monde portuaire. Où vont aller ces sommes ? Il faudra d’abord que l’interministériel arrive à se mettre d’accord. Quand cela sera fait, espérons que les sommes ne seront pas parties sur d’autres projets. Ces 200 M€ doivent permettre de « verdir » les ports. Or, est-ce le sujet ? Les clients attendent des actes forts pour revenir.
Un pacte social et économique
Ces actes passent par un pacte social et économique. Certes, les mouvements sociaux de décembre et janvier ont lourdement marqué les clients. Cependant, avant même les grèves, les ports français n’avaient pas encore atteint des sommets. Les grèves ont ralenti une progression lente. Une partie de la responsabilité de l’état des ports français est à mettre au crédit des syndicats d’ouvriers portuaires. Les chargeurs ont aussi leur part de responsabilité. Ils font jouer la concurrence avec les autres ports quand en Europe, une idée de patriotisme économique se fait jour. En France, le bashing est à la mode. Et les Grands ports maritimes ont aussi leur part à prendre. Leur lourdeur administrative freine certains investissements ou implantations. En résumé, chacun est responsable et tous sont coupables de cet état.
La promesse de la Stratégie nationale portuaire
Plutôt que de regarder le bout de ses chaussures, il serait temps de prendre le taureau par les cornes. Il paraît difficile de compter sur le gouvernement. Les miettes accordées par le Plan de relance montre le peu d’intérêt qu’il porte au monde portuaire. Il y a bien eu des espoirs avec l’arrivée d’Édouard Philippe à Matignon. Nous ne sommes jamais aussi bien trahis que par ses amis. La stratégie portuaire nationale est toujours dans les tuyaux. Depuis septembre 2019, le monde économique l’attend. Promis, elle interviendra avant la fin de l’année, dit le gouvernement. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
L’avenir des ports français
L’actuel locataire de l’Élysée n’a pas déroger à ses prédécesseurs. Depuis près de cinq décennies, le monde portuaire est absent des grandes décisions politique. Emmanuel Macron ne fait que suivre les autres. La seule question qui demeure est :
Faut-il conserver un réseau portuaire métropolitain en saupoudrant parfois des queues de budget ou se tourner définitivement vers nos partenaires européens qui regardent la mer avec envie ?
C’est dans un pacte social et économique commun entre les industriels, les chargeurs, les logisticiens et le monde syndical ouvrier, offrant des bénéfices mutuels que l’avenir des ports se jouera. Cette volonté sociale et économique pourrait faire prendre conscience aux politiques de l’intérêt du monde portuaire. Et demain, dans un prochain gouvernement, aurons-nous peut-être un ministre des ports et de la logistique. Passons du rêve à la réalité.