Corridors et logistique

Bimco : avant le redressement du marché, le pire est à venir

Dans sa publication annuelle sur les réflexions pour l’année 2020, le Bimco (Baltic International Maritime Council) a dressé les grandes lignes des marchés maritimes. L’optimisme n’est toujours pas de mise.

Dans son document annuel sur les réflexions pour 2020, le Bimco analyse la situation des marchés maritimes pour 2020. Et pour l’organisation internationale, 2020 risque d’être chahutée. « Une tendance inquiétante qui s’est développée récemment est la baisse du ratio entre le PIB et les échanges », indique le document du Bimco. Une baisse de ce ratio qui s’explique par une diminution de la globalisation et des mesures protectionnistes dans différents pays dans le monde. « Des barrières à l’entrée de marchés qui sont implémentées pour durer », continue le rapport du Bimco. L’organisation internationale met en exergue le conflit commercial entre la Chine et les États-Unis mais aussi les actions américaines contre l’Europe et, dans un proche avenir, celles que le gouvernement de Washington pourrait imposer au Japon et à la Corée.
Des différents commerciaux qui auront un effet sur les marchés maritimes. « Avec le nouvel An, le marché ne revient pas à zéro mais continue de subir les effets engagés depuis quelques années. » Les commandes de navire associées à la baisse de la demande montre que 2020 devrait être difficile. « Le marché devrait s’aggraver », continue le Bimco. En ajoutant à ces marchés difficiles, l’entrée en vigueur de la nouvelle norme sur l’utilisation de soutes à émission de soufre réduite viendra encore plonger les résultats financiers des armements.

Vracs solides: le manque d’appétit chinois

L’analyse par marché confirme les tendances générales exposées par le Bimco. S’agissant des vracs solides, la principale interrogation repose sur les achats de la Chine en minerais. Pour la troisième année consécutive, les importations de minerais de fer pourraient encore baisser en Chine. La sidérurgie locale préférant recycler de l’acier plutôt que de s’alimenter en matières premières. Autre facteur sur le marché des vracs solides, la baisse de la demande chinoise en soja en raison de la peste porcine. Cette dernière a largement décimée le cheptel chinois et, par voie de conséquence, réduit les importations pour la production d’aliments pour bétails. « Il faudra plusieurs années pour que le troupeau de porcs chinois retrouve son niveau d’avant l’épidémie de peste », note le Bimco. Enfin, avec la transition énergétique, le charbon , qui représente tout un pan de l’économie du monde maritime, pourrait se trouver en difficulté. Parallèlement à cette baisse de régime du moteur chinois, la croissance de la flotte mondiale des vraquiers viendra peser, en 2020, sur ce marché. Bimco estime que cette flotte devrait augmenter de 4,1%. Le fossé entre l’offre et la demande va continuer de se creuser en 2020 impliquant une nouvelle baisse des taux de fret. Depuis le 4 décembre, le BDI (Baltic Dry Index) perd de sa valeur quotidiennement. « Il est tombé à son plus bas niveau depuis avril 2019 », indique Reuters le 9 janvier. La montée des tensions au Moyen-Orient devrait accroître la pression sur ces indices.

Vracs liquides: les fondamentaux du marché se sont dégradés

Le marché des vracs liquides s’inscrit pour sa part dans une tendance de hausse. Les développements géopolitiques auront un impact important dans cette filière. Les fondamentaux des marchés se sont fortement dégradés en 2019 avec une hausse jamais vue pendant la dernière décennie de l’augmentation de la flotte. Avec une hausse de 6,3%, la croissance de la flotte de navires citernes atteint un record sur les huit dernières années. Dans le marché des VLCC, le bon premier trimestre a rapidement laissé la main à un marché dépressif. Du côté des navires pour les produits pétroliers, l’entré en vigueur de la nouvelle norme de l’OMi sur les soutes pourrait avoir un effet positif sur les flux de soutes avec une teneur en soufre inférieure à 0,5% pendant les premiers mois de l’année. « Une fois l’effet OMI 2020 passé, ce marché pourrait revenir à un état plus morose en raison d’une surcapacité endémique du marché », continue le document du Bimco. L’élément positif à attendre sur ce marché est à voir du côté des États-Unis. En devenant un exportateur net de pétrole brut, avec l’exploitation du gaz de schiste, la durée de voyage avec les principaux importateurs, qui se situent en Extrême-Orient, pourrait absorber une partie de la surcapacité.

Conteneurs: un effet cascade sur des marchés qui n’ont pas l’appétit pour ces navires plus grands
Port of Long Beach
Les ports de la côte ouest des États-Unis ont souffert, en 2019, de la guerre commerciale avec la Chine. ©DR

Le troisième marché analysé concerne la filière conteneurs. Du côté des États-Unis, les chargements dans les ports de la côte ouest ont enregistré un déclin en 2019. Avec les barrières douanières mises en place par l’administration Trump, aucun espoir de voir des trafics revenir de sitôt, estime le Bimco. Autre secteur inquiétant en 2019, la stabilité des trafics intra asiatiques. « Sans progression de ces trafics, ce sont aussi les flux sur des routes plus longues qui sont impactées », souligne l’organisation internationale. Quant à la demande, elle a progressé que de 1% sur les neufs premiers mois de l’année. Une hausse faible qui a entraîné de nombreuses suppressions d’escales. Alors que le monde de la conteneurisation vit encore des moments difficiles, les armateurs continuent de commander et de recevoir des navires. En 2019, la flotte mondiale conteneurisée a augmenté de 3,7%, aggravant le déséquilibre entre l’offre et la demande. Des unités de plus de 10 000 EVP devraient entrer sur le marché dans les prochains mois avec pour conséquence directe un effet de cascade amenant des navires de moyenne importance sur des marchés plus faibles, « alors que ces marchés n’ont pas l’appétit pour ces navires », indique Bimco. La solution serait de mettre un terme aux barrières douanières imposées dans certaines régions du monde pour permettre une reprise des échanges internationaux. Et la conclusion du Bimco n’est guère réjouissante. Même si la Maison Blanche change de mains en novembre, il n’est pas certain que la position américaine se modifie.