Manutentionnaires : l’Afrique reste une terre de croissance
En 2020, les principaux manutentionnaires mondiaux de terminaux à conteneurs ont subi les effets de la crise sanitaire. Les opérateurs ont vu leurs trafics chahuter en Europe et se développer en Afrique.
L’année 2020 aura été pour les manutentionnaires celle de l’arrêt de l’économie de certains pays. Le trafic conteneurisé a connu au cours de ces 12 mois une baisse de 1,2% des trafics conteneurisés à 168,1 MEVP. Une diminution que de nombreux observateurs attribuent à l’arrêt de l’économie chinoise depuis le mois de janvier jusqu’au mois de mai. Au second puis au troisième trimestre, la Chine a relancé son activité.
Baisse de 2,1% des conteneurs manutentionnés
Face à la baisse de flux conteneurisés, le nombre de conteneurs manutentionnés a aussi diminué. Ainsi, dans la présentation de ses résultats annuels, DP World cite les données estimées par Drewry. Le nombre de conteneurs manutentionnés dans le monde aurait baissé de 2,1% en 2020 à 783 MEVP. Une première depuis plusieurs années.
L’analyse par trimestre de l’année montre, malgré tout, des signes d’une reprise. Les rapports annuels des différents opérateurs indiquent une croissance des revenus et un retour en grâce des marges au cours des deux derniers trimestres de l’année.
La hausse n’a pas été unanime
Dans ce contexte, les chiffres d’affaires des manutentionnaires internationaux ont été à la peine cette année. Il faut se tourner vers DP World, China Merchants, Port of Singapore Authority et Ictsi pour voir une hausse des revenus. Néanmoins, la progression de ces données ne s’est pas automatiquement reportée sur les résultats opérationnels. À titre d’exemple, China Merchants a vu son chiffre d’affaires augmenter de 0,7% et son Ebitda perdre 67%. À l’inverse, APM Terminals a vu son chiffre d’affaires perdre 3,9% mais son Ebitda gagner 7,8%.
Discordance entre volume et données financières
Données financières et volumes traités ne sont pas toujours en bon accord. Ils sont trois opérateurs, Hutchison Ports, APM Terminals et HHLA à enregistrer une baisse de leur volume. Les autres sociétés de manutention ont vu leur trafic garder la tête hors de l’eau. Cette réalité des volumes vient en contradiction avec les chiffres des estimations de Drewry sur le trafic manutentionné de conteneurs mondialement.
Résilience de l’industrie de la manutention
L’année 2020 aura été particulière. Du côté du classement des principaux opérateurs de terminaux à conteneurs, les places n’évoluent guère en nombre de conteneurs manutentionnés. La principale remarque porte sur la résilience de cette industrie. Face à la baisse de trafic globale dans les ports, les opérateurs affichent des hausses de trafic, à l’exception de Hutchison Ports, APM Terminals et de HHLA.
Des diminutions de trafic sont liées en grande partie à la perte de terminaux ou aux difficultés économiques de certains pays. Dans les différents rapports annuels, les manutentionnaires insistent sur les difficultés des pays émergents à rebondir au second semestre contrairement aux pays développés dont l’économie s’est redressée plus rapidement.
Afrique: le terrain de croissance
Qu’il s’agisse de l’Asie, de l’Amérique, de l’Europe et de l’Afrique, les évolutions ont été différentes au cours de cette année bien particulière. L’Afrique reste pour une grande part de ces opérateurs le terrain de croissance par excellence. Ainsi, les manutentionnaires présents sur ce continent ont pu améliorer, pour certains, leurs opérations. Il semble qu’avec l’Amérique Latine, l’Afrique soit le continent de la croissance externe.
Ictsi entre à Kribi
Ictsi, le manutentionnaire philippin, a développé sa présence sur la côte occidentale. Il a pris possession en octobre du terminal polyvalent de Kribi, au Cameroun. Doté d’un quai de 260 m, ce terminal disposera dans quelques années d’un autre linéaire de 365 m annonce l’opérateur. Petit dernier des grands opérateurs, Ictsi voit son marché africain grandir avec le début de la phase 2 de l’extension du port de Matadi au Congo. Des trafics qui compensent les pertes de 14% enregistrées sur le port de Toamasina, à Madagascar.
DP World: De Dakar à Luanda
Pour DP World, l’Afrique est devenue un élément majeur de la croissance. L’opérateur de Dubaï a annoncé une enveloppe de 664 M$ pour les terminaux de Berbera, en Somalie, de Sokhna en Égypte et au Royaume-Uni. De plus, en signant avec le gouvernement sénégalais la construction du futur terminal à conteneurs de Dakar, sur la commune de Ndayane, DP World consolide sa position. Enfin, en Angola, le manutentionnaire a remporté la concession du terminal polyvalent de Luanda. Il prévoit d’investir 190 M$ dans ce port pour disposer d’une capacité de 700 000 EVP d’ici à deux ans.
APM Terminals: Abidjan et Téma sur la croissance
Du côté de APM Terminals, dont la présence africaine se fait surtout en co-entreprise avec le groupe Bolloré, la situation a été plus nuancée. Si les deux opérateurs ont commencé à réaliser des travaux sur le futur second terminal à conteneurs d’Abidjan, leur coopération sur le port de Téma, au Ghana, porte ses fruits. Les résultats sont en hausse. La parité entre le $ et le FCFA a permis de réduire les prix sur ces terminaux. Du côté obscur de l’année, la perte du terminal de Douala, au Cameroun, et les difficultés liées à la hausse des coûts sur Apapa ont quelque peu réduit la performance africaine des opérateurs.
China Merchants: croissance importante à Lomé
Le quatrième principal opérateur international (si nous comptons Bolloré avec APM Terminals) dans les ports africains est chinois avec China Merchants Port. Le manutentionnaire prend peu à peu des parts de marché aux autres opérateurs. Il a posé un pied dans le port de Lomé, au Togo, aux côtés de Terminal Investment Limited, filiale de MSC. En affichant une croissance de 20,5% de son trafic à 1,3 MEVP, le port togolais reste un des moteurs de la croissance extérieure du groupe chinois. China Merchants est aussi présent sur le terminal de tin Can, au Nigéria dans lequel il affiche une perte de 35% de son trafic à 303 000 EVP. Enfin, sur la côte est du continent, le groupe a repris à DP World la concession du terminal de Djibouti sur lequel le trafic a perdu 6,3% en 2020 à 859 000 EVP.
Europe: la hausse du second semestre n’a pas compensé les pertes
En Europe, les opérateurs ont souffert sur le premier semestre de l’année. La bonne reprise d’activité dans la seconde moitié de l’année a permis de résoudre une partie des diminutions. Pour les manutentionnaires, ces hausses n’ont pas suffi à rattraper le retard accumulé au premier semestre. Ainsi, APM Terminal affiche une baisse de son trafic de 3,8% sur le vieux continent. Hutchison Ports, présent sur le range nord de l’Europe affiche une diminution de 6% de ses volumes. Les ports britanniques de l’opérateurs chinois sont le plus à la traîne avec une diminution de 9%. Les prémices du Brexit et de la congestion portuaire se sont fait sentir. À Rotterdam, Hutchison a perdu 3% de ses volumes.
Perte de volume pour Ictsi et Global Ports
Encore plus à l’est, Ictsi voit une partie de ses volumes européens fondre sur le port de Gdansk en raison des conséquences de la pandémie et de la reprise économique difficile en Pologne. L’opérateur russe des terminaux, Global Ports, a aussi subi l’effet pandémie sur ses terminaux situés en Baltique. Ils perdent 6,6%. Pour les dirigeants de Global Ports, les ports équipés avec des engins de dernière génération pour accueillir les nouveaux navires seront les gagnants des prochaines années.
Les armateurs ont favorisé le transbordement
DP World fait le même constat avec une baisse de 4,6% de ses volumes en Europe. La baisse a été plus dure sur la Baltique et la partie occidentale de la Méditerranée que sur le range nord. Les armateurs ont favorisé les ports qui offrent du transbordement pour adapter leurs services à la flexibilité plus grande. Favoriser le transbordement permet d’éviter des escales de trop faibles volumes.
Acquisition de huit terminaux de Terminal Link par China Merchant
Du côté des deux grands opérateurs chinois, Cosco Ports et China Merchants, l’Europe n’a pas apporté les volumes attendus. Le terminal du Pirée, concédé à Cosco Ports, voit ses trafics reculer de 5,1% et le terminal de Barcelone de 5,5%. Quant à China Merchants, l’acquisition de huit terminaux de Terminal Link lui apporte une croissance globale plus tirée par les opérations en Asie qu’en Europe.
Rude concurrence entre Hambourg, les ports de la Baltique et de l’Adriatique
Enfin, l’opérateur allemand HHLA a souffert de la concurrence sur le range nord du continent dans lequel il est fortement présent. Son terminal fer de lance à Hambourg, qui a longtemps joué un rôle de hub pour les trafics avec la Russie, souffre de la concurrence des ports de la Baltique et de la Scandinavie. Son hinterland naturel s’étendait auparavant jusque sur les rives du Danube. Or, l’arrivée sur le marché d’opérateurs vindicatifs dans les ports de Koper et de Trieste viennent troubler le jeu de la desserte des pays d’Europe centrale.