Corridors et logistique

Vracs secs : un premier semestre tonique avec une forte demande de matières premières

La forte demande en matière première a donné un nouvel élan aux taux de fret des vracs secs. Les armateurs en ont tiré profit. Leurs résultats semestriels s’affichent en progression.

De juin 2020 à juin 2021, le Baltic Dry Index a vu sa valeur presque doublée. Il est passé de 1799 points à 3383 points. Depuis le début de l’année, l’indice de mesure des frets de vracs solides n’a eu de cesse de progresser. Au début de l’année, il était à 1452 points.

Reconstitution des stocks chinois

Plusieurs facteurs expliquent ce nouvel élan des vracs secs. En premier lieu, après la crise sanitaire de 2020, les industriels ont remis en marche les usines. Ils ont eu besoin de matière première en quantité importante. Ensuite, la Chine, moteur de l’économie mondiale, a reconstitué une partie de ses stocks, notamment d’acier, pour répondre à la demande.

Enfin, la crise sanitaire n’a pas eu un effet d’arrêt complet de l’activité. Les produits de première nécessité, et notamment, les productions agricoles ont continué d’être transportés. Avec le retour à une situation presque normale, la consommation mondiale s’est réactivée, pour le bonheur des armateurs.

Progression de 4,3% des vracs secs

De plus, les campagnes de vaccination dans le monde tendent à donner à ce dynamisme économique une base saine. Les analystes tablent sur une croissance économique pour l’ensemble de l’année et jusqu’en 2022. En 2021, il est prévu que les échanges de vracs secs dans le monde devraient progresser de 4,3% en tonnes/miles. Cela signifie qu’il faudra transporter plus loin plus de marchandises, une aubaine pour les armateurs.

Le BTP dynamise la croissance

Selon les responsables de l’armement Star Bulk, une partie de la croissance repose notamment sur la filière BTP. Elle a besoin de s’approvisionner en quantité importante de matières premières pour les chantiers en cours. Aussi, les tensions diplomatiques et commerciales entre la Chine et l’Australie profitent aux armateurs. Le charbon et les minerais de fer australiens n’ont plus la cote auprès des acheteurs chinois qui se tournent vers d’autres origines. Tant que les tensions demeureront, le besoin en navire pour des voyages plus longs vers la Chine continue.

Hausse de la production d’acier dans le monde

Plus en détail, la production chinoise d’acier a atteint, au premier semestre de cette année une hausse de 11,5% sur le premier semestre. Dans le reste du monde, la production a augmenté de 15,6%. Au global, les échanges de minerais de fer sont attendus en hausse de 3,6% en 2021. Le Brésil devient un fournisseur d’importance avec une augmentation de sa production de 15,3% sur le premier semestre. Malgré tout, cette performance des minerais brésiliens n’a pas permis de revenir à des niveaux de 2018. En effet, en janvier 2019, la rupture d’un barrage d’une mine du groupe Vale dans la région de Minas Gerais a ralenti les capacités d’export du pays. Le groupe minier brésilien prévoit néanmoins d’augmenter sa production de 400 Mt par an avant la fin de 2022.

Charbon: la dynamique chinoise et indienne

Le marché du charbon s’affiche en hausse de 4,7% pour cette année et de 5,3% en tonnes/miles. Le marché du charbon repose aujourd’hui sur la demande chinoise et indienne pour la production électrique. La demande de ces deux pays est telle qu’elle surpasse la production. Par voie de conséquence, les stocks de charbon thermique se réduisent de mois en mois. Ajouté à cela les tensions commerciales avec l’Australie pour alimenter le marché chinois, et c’est une demande plus forte sur ce marché.

Céréales: la Chine s’impose comme une nouvelle destination

Les échanges céréaliers, troisième principale composante du marché des vracs secs, ont fortement progressé depuis le début de l’année. D’une part, la production importante aux États-Unis a propulsé les trafics céréaliers au départ des ports du pays de l’Oncle Sam à des niveaux élevés. Conjugué à cette production, les récoltes médiocres en Europe ont modifié les échanges en ce début d’année. Encore une fois, la Chine a joué un rôle majeur dans ces flux. Après la crise de la peste porcine, la demande chinoise en céréales s’est répercutée auprès des principales zones d’export. Ainsi, en France, la Chine est devenue parmi les premiers destinataires des flux céréaliers. Le gouvernement de Pékin veut s’assurer d’une sécurité sanitaire pour les prochaines années. Il souhaite sécuriser ces approvisionnements. Une politique qui aura pour les armateurs un effet positif.

Des Time Charter Equivalent en hausse

Cette augmentation sans précédent de matières premières a été une aubaine pour les armateurs opérant dans le vrac sec. Les armateurs affichent des hausses de chiffre d’affaires. Ainsi, Genco Shipping affiche des taux de 23 800$ par jour (Time Charte Equivalent), au deuxième trimestre de cette année, pour les principales commodités comme le charbon, les minerais et les céréales. Sur les « petits vracs » (matériaux de construction, …) les taux sont estimés aux environs de 19 200$ par jour au deuxième trimestre de cette année.

Progression à deux chiffres du volume d’affaires

La hausse de ces taux de fret s’est directement reportée sur les revenus. Ainsi, Eagle Bulk a vu son chiffre d’affaires sur le semestre augmenter de 71,8% à 226,4 M$. Il en a été de même pour Genco Shipping qui voit son volume d’affaires progresser de 20,9% à 208,6 M$. Et la division vracs secs de Norden s’inscrit dans la même tendance avec une progression de 81,9% des revenus à 754,2 M$, en hausse de 81,9%.

Des coûts opérationnels stables

La hausse des taux de fret s’est déroulée dans un marché dont les coûts ont peu augmenté au cours de la période. L’analyse des frais liés aux voyages restent stables pour la plupart des armements. Ainsi, Golden Ocean Group annonce une baisse des coûts. Ils perdent entre 5% et 1%. Au final, le bénéfice opérationnel du groupe augmente de 244% à 119,2 M$. Genco Shipping affiche la même sérénité avec une baisse de 44,5% de ses frais liés à l’exploitation. L’armement a terminé le semestre avec une hausse de son résultat opérationnel de 133,6% à 42,5 M$. En 2020, sur le premier semestre Genco Shipping affichait un résultat opérationnel négatif.

La plus belle performance sur ce semestre revient à la division vracs secs de Norden qui a vu son Ebitda multiplier par 4, et plus précisément une progression de 442,9%, à 68,4 M$. Ces progressions se retrouvent à peu près chez tous les opérateurs de vracs secs. Elle intervient après plusieurs années difficiles pendant lesquelles les armateurs ont vu leurs résultats s’inscrire en rouge.

Une fin d’année sur le même tempo

Pour les prochains mois, le marché ne devrait pas connaître de changements radicaux. Dans leur prévision, les armateurs tablent sur une progression continue de la demande en matières premières. Le FMI prévoit une croissance de 6% en 2021 et de 4,9% en 2022. Des données qui laissent prévoir que l’embellie pourrait se poursuivre l’année prochaine.

Seule incertitude: la Covid et ses variants

La seule incertitude actuelle repose sur la propagation du virus Covid 19 et des variants. Une nouvelle vague pourrait contrarier la reprise économique. De plus, la demande en matières premières est avant tout tirée par la Chine. La politique sanitaire de Pékin s’avère ferme avec le confinement de populations dès le premier cas révélé. Les effets sur la supply chain sont immédiats. L’exemple des terminaux à conteneurs de Yantian et de Ningbo ont démontré la capacité du gouvernement à arrêter toute activité dès les premiers cas avérés.

La surcapacité en passe d’être absorbée

Le marché des vracs secs souffre depuis des années d’une surcapacité endémique. Or, avec l’augmentation de la demande, la flotte affiche des taux d’utilisation élevés. Dans son analyse, Golden Ocean Group explique qu’après avoir augmenté de 4,3% en 2020, la hausse devrait atteindre cette année 3,2%. Sur la dernière décennie, la progression de la flotte s’évalue aux environs de 4,2%. Cette hausse du nombre de navires est prévue d’être de 2,1% en 2022 et de 2,7% en 2023.

Des chantiers saturés de demandes

Les carnets de commande des armateurs ne se font plus sur une base spéculative, comme cela a été le cas dans la dernière décennie. La majorité des commandes auprès des chantiers navals vise à remplacer des navires à démolir. De plus, avec la progression de la demande, tous les opérateurs, qu’il s’agisse du vrac sec, du conteneur, des navires citernes et des rouliers, ont voulu profiter de cette croissance pour commander de nouveaux navires. Alors, les chantiers affichent complet sur les prochains trimestres. Une situation qui va aussi réguler le marché en évitant un afflux trop massif de navires lors du retournement de la situation.