Ports décentralisés : on a toujours besoin d’un plus petit que soi
Une étude réalisée par le cabinet Mensia pour le compte de l’Union des Ports de France dresse un tableau des ports décentralisés en France. S’ils restent loin derrière les GPM, les ports décentralisés revêtent une composante importante dans le paysage portuaire français.
Commanditée par les ports décentralisés de l’Union des Ports de France, l’étude réalisée par le cabinet de Mensia permet de mesurer leur poids économique dans le paysage portuaire français aux côtés des GPM.
Une étude réalisée sur 16 ports décentralisés
Cette étude a été menée sur un échantillon de 16 établissements depuis le port de Calais jusqu’à celui d’Ajaccio en passant par Dieppe, Brest, Toulon et Nice. L’étude permet ainsi d’analyser des ports disposant de trafics différents et d’hinterland plus ou moins éloignés. En effet, le port de Calais-Boulogne réceptionne des camions depuis l’Europe centrale quand celui de Lorient traite des trafics pour les producteurs régionaux.
20% du trafic total
La première donnée de cette étude montre que l’échantillon choisi des ports décentralisés réalise 20% du trafic total des ports français avec 74 Mt. Le trafic portuaire total en France atteint 347 Mt. D’un autre côté, ces ports réalisent 19 millions de passagers sur un total national de 26 millions. Ainsi, ils engrangent environ 75% de ce trafic. Enfin, avec 58 Mt, l’échantillon portuaire choisi traite 80% de cette catégorie de trafic.
Un mélange entre roulier, vracs et passagers
Par ailleurs, l’échantillon portuaire se caractérise par un mélange entre roulier, passagers et vracs. Les passagers restent majoritaires dans le port de Calais-Boulogne. Le port de Sète montre bien cette diversité de trafic avec des vracs agro-alimentaires, des diverses, des passagers et du roulier (grâce aux lignes sur la Turquie).
16 ports pour 27 000 emplois
Outre leur importance dans le traitement des trafics, les ports décentralisés génèrent une valeur ajoutée de 600 M€ uniquement en prenant en compte le cluster maritime, à savoir les activités directes du port. Un cluster qui emploie 11 000 personnes en France. En ajoutant les emplois indirects, l’emploi de ces ports s’élève à 27 000 salariés, soit 13,5% de l’emploi direct et indirect portuaire en France.
Une valeur ajoutée de 1,6 Md€
La Stratégie nationale portuaire a estimé que les ports français génèrent 200 000 emplois directs et indirects. En ajoutant les sous-traitants, l’échantillon portuaire choisi emploie 38 000 personnes. Quant à la valeur ajoutée générée par ces ports, elle est estimée à 1,6 Md€ pour les activités directes et indirectes.
Huit fonctions stratégiques
L’étude estime que ces ports assurent huit fonctions stratégiques au sein des quatre grandes thématiques : logistique, passagers, emploi et transition écologique. Les fonctions révélées par l’étude sont :
- Le transit : le poids des flux sans lien directs avec le territoire français, comme le transmanche ;
- L’exportation de la production locale : il s’agit notamment des exportations de céréales locales dans la logistique d’exportation ;
- Le tourisme : Le volume des croisiéristes et des passagers émettant des retombées locales pour l’économie locale ;
- Le pôle industriel : l’installation de zones de traitement de produits comme Capécure pour la transformation des produits de la pêche ;
- La transition énergétique : la mise en place de hubs dédiés à la transition énergétiques comme celui initié sur Port La nouvelle ;
- Le pôle d’emploi : des ports comme Port La Nouvelle représente une grande proportion des emplois dans son aire urbaine ;
- La mobilité des personnes : ces ports offrent des possibilités de continuité territoriale avec des pays voisins, comme la Grande-Bretagne ou d’autres régions comme la Corse depuis Nice et Toulon ;
- La desserte locale : les ports permettent un approvisionnement pour les producteurs locaux.
Une gouvernance adaptée
L’étude s’attache aussi à relever les différents modes de gouvernance. Elle en a identifié trois. Le système concessif public/privé. Il s’agit de la concession à une société privée sur un long terme avec un accompagnement des investissements. L’exemple cité est celui de la Société des Ports du Détroit qui dispose d’une concession supérieure à 50 ans. Une structure qui a réalisé Port Calais 2015.
Quand le concessionnaire s’implique
Le second système identifié montre une gouvernance classique. Il prévoit une concession à la CCI avec des durées différentes. Ce système se décline notamment dans les ports comme Bayonne, Ajaccio, Roscoff, Caen ou encore Toulon. Enfin, le troisième système de gouvernance, dit « intégré », est un mélange des deux précédents. Il s’agit d’une concession dans laquelle le concédant est partie prenante. Ce système se décline sur des ports comme Cherbourg qui se développe sous la forme d’une SPL (Société publique locale) comme La Ciotat. Dieppe a préféré mettre en place une gouvernance sous la forme d’une régie. Sète a opté, pour sa part, à un établissement public industriel et commercial.
Une enveloppe de 2,1 Md€ d’investissements
Outre le poids dans les trafics, l’emploi et la valeur ajoutée, ces ports décentralisés rassemblent 2,1 Md€ d’investissements entre 2015 et 2023. Plus de la moitié de cette enveloppe a été attribuée à Calais Port 2015. D’autres sont en cours comme ceux pour les énergies marines renouvelables à Cherbourg et Port La Nouvelle ou encore la réfection de la gare maritime du port de Saint-Malo.
Une étude à actualiser
Le but de cette étude a été, avant tout de dresser un tableau précis des ports décentralisés au travers d’un échantillon choisi. « Nous devions faire une synthèse pour voir ce que pèsent ces ports face aux Grands ports maritimes », nous a commenté Mériadec Le Mouillour, directeur de la CCI de Bretagne ouest et du port de Brest, en charge de la section des ports décentralisés à l’UPF. L’objectif est d’actualiser cette étude à l’avenir.
Des ports qui forment un tout
Pour le sous-directeur des ports et du transport fluvial de la DGITM, Nicolas Trift, « cette étude montre que le système portuaire français forme un tout. C’est dans cet esprit qu’a été bâti la stratégie nationale portuaire en 2021 ». Parmi les étapes à venir de complément à cette étude, il est envisagé d’étendre l’analyse aux autres ports décentralisés.