Conférence SITL : Les ports français s’inscrivent dans la transition écologique
Le verdissement des ports est devenu une notion intégrée dans les projets de développement de tous les ports français. L’autorité portuaire n’est pas seule à agir sur ce sujet. Elle est accompagnée par les communautés portuaires et les modes de transport alternatifs.
Si la presse se fait l’écho des sinistres de porte-conteneurs et de rouliers, comme l’Ever Given, le Golden Ray et d’autres, en 2020, ce sont les vraquiers et les cargos qui ont le plus souffert. Ensemble, ces deux catégories ont représenté 20 pertes totales. Pour leur part, les porte-conteneurs n’ont enregistré qu’une perte totale. Enfin, les pétroliers et les chimiquiers ont enregistré une seule perte totale pour chaque catégorie.
Appliquer la transition écologique sur les trafics
Le port méridional inscrit cette transition écologique dans son développement des trafics. « Quand nous avons sur notre port des raffineries et des usines sidérurgiques, la transition écologique est un sujet majeur », a continué Hervé Martel. Dans un premier temps, la réduction de l’empreinte des usines sidérurgiques doit se faire en modifiant la logistique par la recherche de matières premières à recycler. Ensuite, c’est l’utilisation de l’hydrogène comme source d’énergie en remplacement de la houille.
Agir sur les carburants marins
À Marseille, la transition écologique se réalise, sur les bassins est, dédiés aux trafics passagers, par le branchement à quai des navires. Déjà, rappelle Hervé Martel, les navires de croisière pourront se brancher à l’horizon 2025. Pour les trafics de voyageurs vers la Corse, ce système sera opérationnel en 2023.
La transition énergétique concerne aussi les carburants de navires. Le port s’équipe pour recevoir les navires du groupe CMA CGM actuellement motorisés au gaz naturel. Des navires de croisière ont déjà adopté ce mode de propulsion. Alors, « le GPM et l’ensemble de la communauté portuaire doivent s’organiser pour prévoir l’avitaillement de ces navires ».
Branchement à quai et photovoltaïque à Sète
Au port de Sète Sud de France, la transition écologique se matérialise au travers de différents exemples. Pour commencer, Olivier Carmès, directeur général du port de Sète, a rappelé l’initiative du port pour les pilotines. Elles voient leur motorisation évoluer depuis le thermique vers l’électrique. « L’expérience va avoir lieu pendant un an », a indiqué Olivier Carmès.
Par-delà les exemples, le port de Sète s’est aussi inscrit dans la tendance du branchement à quai des navires et du photovoltaïque. Un investissement qui pèse 20 M€. Dans un premier temps, le port de Sète s’est consacré au branchement des navires à quai pour la grande plaisance. Dans un second temps, il se concentre sur les navires de commerce, notamment les rouliers de DFDS et de Neptune, les ferries et les petits navires de croisière. L’étape suivante sera d’entrer dans le mix énergétique.
Le pari de l’hydrogène pour le port de Sète
Le port a déjà mis en place des panneaux photovoltaïques dans le port. L’électricité produite est réinjectée dans le réseau national avec un objectif clair pour le port : l’autoconsommation. Cela passe, pour le directeur du port par la mise en place d’ombrières avec ces panneaux pour compléter la consommation du port en entier.
Enfin, le port héraultais mise aussi sur l’hydrogène. Celle-ci sera produite en lien avec Port La Nouvelle. Le port de Sète va se doter d’une pile à combustible pour stocker cette électricité et la mettre à disposition selon les besoins. Pour l’entrée en service de l’hydrogène dans le mix énergétique, le directeur du port table sur un calendrier calé sur 2028 à 2030.
La coopération entre public et privé
Les actions menées par le secteur public, notamment les autorités portuaires, doivent aller de pair avec le secteur privé. Francis Grimaud, président de l’Union maritime de La Rochelle, a rappelé l’importance de cette coopération. Cette coopération passe en premier lieu, par une prise de conscience dans l’entreprise. Ainsi, pour EVA, société dirigée par Francis Grimaud en charge de l’exploitation de trois terminaux sur le GPM de La Rochelle, cette démarche a commencé avec la mise en place d’engins de manutention, pour le ciment, réduisant les émissions de poussières.
Ces premières initiatives pour les produits cimentiers se sont ensuite déclinées sur les trafics céréaliers. Des flux importants pour le port charentais qui se place en seconde position des ports exportateurs céréaliers. Pour les opérateurs privés rochelais, le recrutement par le port d’un responsable de mission qui est devenu le relais de l’Union maritime sur la thématique de l’économie circulaire.
Fluvial: accompagner la transition écologique
La transition écologique et le verdissement des ports passe aussi par la mise en place de nouvelles motorisations de la flotte fluviale. Et Joffrey Guyot, responsable de la transition écologique chez VNF a rappelé que la taille de l’unité fluviale est déterminante dans la réduction de l’empreinte carbone. « Plus le tonnage du bateau est important plus la réduction de l’empreinte environnementale sera élevée ».
Le transport fluvial va se voir contraint d’aller vers plus de verdissement dans les prochaines années. La première étape visera à réduire de 35% des émissions polluantes à l’horizon 2030, avec comme référence les rejets réalisés en 2015. La seconde étape prévoit d’arriver à 0% d’émissions à 2050.
30M€ pour la période 2018-2022
Pour accompagner les entreprises de transport fluvial, VNF a mis en place un outil de subvention directe. Ces sommes sont destinées à financer des projets innovants, des constructions neuves de bateaux et tout autre projet qui entre dans ce schéma. La première programmation qui s’est déroulé de 2013 à 2017 prévoyait une somme de 10M€. Le programme actuel de 2018 à 2022 est doté de 30M€.
Le programme est aujourd’hui entré dans une phase d’aides avec des partenaires, à l’image de l’Ademe, des régions Normandie, Ile de France, Paca et bientôt la Compagnie nationale du Rhône. Face au succès de ces projets, VNF a lancé une étude sur le verdissement de la flotte. Elle prévoit d’analyser les usages des unités, logistique urbaine, pousseur pour trajet long, afin de déterminer plus précisément les solutions attendues en matière de verdissement. Cette étude permettra d’avoir des outils d’aide à la décision pour les transporteurs.
Ecoslops recycle les résidus pétrolier
Parler de verdissement sans prendre en considération la réalité économique ne sert pas à grand-chose. Pour Wladimir Makinski, business development manager d’Ecoslops, la réalité économique a gouverné le projet. Il s’agit de rendre à la consommation des résidus pétroliers qui étaient destinés à être détruits. L’application de cette solution s’est concrétisé au Portugal. Une usine a permis de recycler 120 000 t de déchets.
Le projet a été créé quand les fondateurs ont constaté que les plages étaient polluées par des boulettes de pétrole. La raison en est simple : le coût du recyclage est trop élevé. Or, une convention internationale, Marpol, prévoit uniquement la collecte de ces déchets. Ecoslops devrait avoir quelques belles années devant elle. Aujourd’hui plus de 300 Mt de carburant marin sont consommées annuellement. « Le mot important est celui de transition. Cette consommation ne s’arrêtera pas du jour au lendemain », souligne Wladimir Makinski.
L’électricité fournie est deux à trois fois plus chère
Ces projets doivent néanmoins répondre à des conditions économiques. « Sur certains points, nous regardons pour rendre économiquement viables certains projets », a précisé Francis Grimaud. L’équilibre économique n’est pas toujours atteint sans avoir l’aide d’organisations publiques comme les GPM ou l’Ademe. Cependant, indique Hervé Martel, entre l’achat de l’électricité, la transformation puis, pour les navires de croisière américain, le passage en 60 hertz, « le coût de production de l’électricité est deux fois supérieur au coût de production à bord des navires ». Pour accompagner les compagnies de croisière dans ce développement durable, le GPM de Marseille-Fos a introduit une taxe supplémentaire de 2€ par passager et une réduction des droits de port pour les navires qui se branchent pendant l’escale.
Subventionner les surcoûts d’investissements
Pour le fluvial, Joffrey Guyot a rappelé que les surcoûts d’investissement peuvent être subventionnés jusqu’à 60%, selon les textes de la Commission européenne. Mais, les subventions ne concernent pas les frais de fonctionnement. Le surcoût lié au fonctionnemment peut aboutir à la perte de marchés dans certains secteurs, « et ce pour quelques centimes d’euros ». Alors, ce sont tous les intervenants depuis le producteur jusqu’au client final qui vont devoir participer au financement de cette transition écologique.
Une étude sur le verdissement des ports par l’UPF
Ce sujet du verdissement dans les ports a fait l’objet d’une étude réalisée par Union des Ports de France (UPF). Elle vise aussi bien les ports métropolitains qu’ultramarins. Jean-Pierre Chalus, président de l’UPF, a rappelé que des premières initiatives ont vu le jour à la Martinique. « En Guadeloupe, a souligné Jean-Pierre Chalus, président du directoire du GPMG, nous avons pris un peu de retard sur le sujet. La production électrique dans l’île est essentiellement carbonée. Il faut voir les choses à moyen ou long terme pour avoir des solutions vers la transition écologique ».
Intégrer la multimodalité dans le verdissement
De plus, la transition écologique doit aussi s’entendre sur la multimodalité. Elle fait partie de cette stratégie. « C’est un enjeu économique et environnemental », a souligné Hervé Martel. Et, continuant dans cette veine, Hervé Martel a rappelé que le verdissement est aussi une question d’aménagement du territoire. « Quand on est propriétaire de plusieurs centaines d’hectares implanter des usines dans des secteurs sensibles avec des parcs naturels proches, cela suppose d’avoir une politique environnementale développée. »
Conserver des infrastructures fluviales compétitives
Pour Olivier Carmès, directeur du port de Sète, la multimodalité s’entend surtout dans sa capacité à innover. Pour le port de l’Hérault, le développement des autoroutes ferroviaires vient abonder dans ce sens. De même le chargement de vracs dans des conteneurs vient donner une nouvelle dimension pour le report modal. « Il ne faut pas oublier le fluvial en regardant les choses d’un point de vue des infrastructures. Disposer d’un tirant d’eau suffisant permet d’offrir une compétitivité à ce mode », a souligné Olivier Carmès.