Le conventionnel, l’autre atout de Haropa Port (2/2)
Le trafic conventionnel connaît ses derniers mois un regain. En conservant une activité dédiée à cette filière, Haropa Port garde sa diversité. Dans ce second épisode, nous analyserons les trafics liés aux véhicules d’occasion, aux tourets de câbles, aux produits papetiers et aux produits sidérurgiques.
Après les colis lourds, le marché des conventionnelles de Haropa Port comporte de nombreux flux divers. Parmi ces trafics, les flux de voitures d’occasion ont ralenti par rapport aux années fastes de la fin du siècle dernier. Désormais, bon nombre de pays africains interdisent l’importation de véhicules de plus de cinq ans. Seul le Togo a continué d’autoriser ces trafics. Et ces flux pourraient se développer. « Nous avons identifié un marché important de véhicules d’occasion au départ de l’Île de France vers l’Afrique de l’Ouest. Ces trafics devraient naturellement sortir de France par Haropa Port. Nous voulons proposer à ces exportateurs des solutions logistiques adaptées pour amener leurs trafics sur nos quais. »
Des tourets de câbles depuis Radicatel

De plus, Haropa Port a su maintenir ses trafics de tourets de câbles. Entre Nexans, Prysmian et Technip, le potentiel de trafic demeure important. Ainsi, Nexans réalise un flux régulier de câbles exportés vers l’Afrique depuis les quais d’Haropa Port par l’armement Bocs. De son côté, Technip réalise des câbles pour l’industrie pétrolière. Ils sont exportés directement depuis les quais de Radicatel vers leurs lieux d’utilisation. Quant à Prysmian, dont une usine est installée à Gron, les tourets de câble ont été exportés, il y a quelques années par Le Havre avec un pré acheminement fluvial. Aujourd’hui ces trafics sont suspendus mais pour la direction de Haropa Port, le trafic pourrait reprendre. Des études sont menées conjointement avec le chargeur et Logiyonne pour reprendre ces trafics.
Produits papetiers: une forte conteneurisation
Le trafic conventionnel de Haropa Port se compose aussi de produits papetiers. De la pâte à papier et du papier arrivent en conventionnel et en conteneurs. Sur le million de tonnes traitées chaque année de ces produits, les trois quarts, environ 770 000 t entrent en France par Haropa Port en conteneurs. Le solde, soit environ 230 000 t est traitée en conventionnel. « La conteneurisation de la pâte à papier et des papiers a démarré depuis de nombreuses années », nous indique un responsable commercial de Haropa Port. Les pâtes à papier viennent en grande partie de Thaïlande en conteneurs. Malgré la crise de la conteneurisation et le manque d’équipements et d’espaces, les producteurs thaïlandais de pâte à papier gardent une logistique centrée sur le conteneur.
Du conventionnel en provenance d’Europe du Nord

Quant aux trafics de produits papetiers en conventionnels, ils concernent des flux en provenance d’Europe du Nord, Finlande et Suède, et d’Espagne. Ces trafics sont massifiés sur des navires adaptés. Pour les responsables de Haropa Port, ces courants de trafic ne devraient pas se massifier. Leur massification sur des navires de petite taille leur permet d’adapter leur logistique à la demande.
D’un flux entrant à un flux sortant
Quant au papier, sur le site rouennais, l’avenir de la société Double A, en cours de rachat par l’allemand VPK pourrait modifier les flux. L’actuel actionnaire fabrique des ramettes de papier A4. Le repreneur devrait modifier la ligne de production pour fabriquer du papier d’emballage. D’un flux de pâte à papier entrant, le trafic pourrait passer à une exportation de papier d’emballage traité à partir de papier recyclé.
Fleximalle: un concept pour les charpentes
Les trafics de marchandises conventionnelles de Haropa Port ne seraient pas complets sans y ajouter les produits forestiers, papetiers et de ferrailles. Si les grumes ne sont plus d’actualité en raison de la mise en place d’une obligation par les pays producteurs d’apporter une valeur ajoutée localement, Haropa Port continue de traiter de nombreux produits forestiers. Ainsi, avec VNF, Haropa Port a créé un système de transport de charpentes et de panneaux de bois acheminés par voie fluviale entre Le Havre et Paris. La Fleximalle est un prototype de conteneur de nouvelle génération. Avec un poids réduit à 2,1 t, une capacité de transport de 7 t et une structure flexible (parois rabattables et amovibles), elle offre une solution innovante pour le transport fluvial de gros volumes. « La flexibilité de cette solution logistique multimodale constitue pour la société du Grand Paris une alternative intéressante. La première expérience de février devrait pouvoir se décliner sur d’autres chantiers dans les prochains mois », explique un responsable du port.
Produits sidérurgiques: 240 000 t par an
Enfin, ces trafics de conventionnelles de Haropa Port doivent aussi compter avec les flux liés à la sidérurgie. Avec les deux groupes Derichebourg et GDE installés sur les quais de Rouen, chacun sur leur terminal, mais aussi de nombreuses installations le long de la Seine, les ferrailles pèsent plus de 240 000 t par an. Sur les six premiers mois de l’année, avec 110 000 t de trafic, Haropa Port a vu ses trafics de ferrailles progresser. Le rachat de GDE par Derichebourg pourrait avoir des effets pour le trafic de ferrailles de Haropa Port. La décision de la Commission européenne sur le sort des différentes installations issues de la fusion pourrait redistribuer le marché. Les ferrailles sont aujourd’hui exportées vers les sites sidérurgiques qui disposent de fours à arc électrique. En France, l’industrie sidérurgique n’est pas adaptée pour cette production. Les exportations de ferrailles vers l’Espagne et la Turquie en conventionnel reste donc de mise.
Tassement des bobines d’acier
Du côté des produits métallurgiques, les bobines d’acier ont enregistré un tassement à l’importation. Pour les responsables de Haropa Port, cela s’explique par la crise des semi-conducteurs qui a amené l’industrie automobile à réduire sa production. Or, une grande partie des bobines d’acier à l’importation est destinée à cette filière. Cette baisse a été compensée par les importations de coïls destinés à la chaudronnerie. À Saint Wandrille, la demande explosant, les opérateurs ont dû reconstituer leurs stocks et donc réaliser de nombreuses importations.
Une nouvelle expérience de Michelin
Au cours des années passées, Haropa Port a su maintenir ses trafics. Aujourd’hui de nouveaux flux se font jour. « La crise de la conteneurisation a amené des chargeurs à revenir sur des trafics de conventionnelles pour éviter des taux de fret trop élevés et s’assurer du bon déroulé de leur logistique. » Ainsi, Michelin a réalisé l’importation de balles de caoutchouc directement depuis l’Indonésie sur Le Havre. Cette « déconteneurisation » des flux n’est pas encore pérenne mais, le groupe de Clermont Ferrand a réalisé plusieurs navires sur le port du Havre. D’autres exemples se sont concrétisés ces derniers mois. Ainsi, sur le sud-est asiatique, des exportateurs de produits forestiers ont affrété des navires pour exporter leur production, « faute de place à bord des navires conteneurisés ».
Un taux d’affrètement à 17 400$/j
Est-ce une tendance lourde que ce retour des trafics de conventionnelles ? Pour les responsables de Haropa Port, le maintien des trafics pendant les années fastes de la conteneurisation a démontré de l’utilité de disposer d’outils pour répondre à la filière des marchandises conventionnelles. Cette analyse est partagée par le cabinet de consultant néerlandais Dynamar. « Les taux d’affrètement d’un navire de 12 500 tpl atteint aujourd’hui 17 400 $/j sur une période de six à 12 mois. Un pic par rapport aux années précédentes. Dans le même temps, les taux d’affrètement des navires conteneurs se stabilise voire, entame une décroissance », indique Frans Waals, consultant de Dynamar.
Retour de balancier
Les analystes expliquent que la situation entre le marché du conventionnel et celui du conteneur devrait connaître un retour de balancier. « La crise de la conteneurisation a amené les opérateurs à se tourner vers les navires spécialisés. Une fois la crise passée, le balancier devrait s’équilibrer entre les flux sur des navires spécialisés et sur des porte-conteneurs », continue le consultant de Dynamar.
Utiliser des navires conventionnels pour le conteneur
De plus, la disponibilité de navires spécialisés pour le trafic de conventionnel a eu tendance à fondre en raison de la course menée par certains chargeurs et armateurs pour venir compenser le manque de capacité de cale sur certaines liaisons conteneurs en affrétant des navires conventionnels. « Nous avons constaté que certains opérateurs qui ont voulu entrer sur le marché des liaisons est-ouest avec des navires conventionnels ont rapidement jeté l’éponge. » Face aux temps d’attente devant certains ports et devant le temps passé pour décharger un conteneur depuis ces navires trop longs par rapport à un porte-conteneurs, le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes.
Le trafic de conventionnelles va perdurer
Il n’en demeure pas moins que le trafic de conventionnelles va perdurer. Haropa Port a vu ses trafics augmenter sur cette filière en 2021. L’effet balancier en faveur des navires spécialisés lié à la crise de la conteneurisation pourrait repartir dans le sens inverse, dès que les navires actuellement en construction feront leur entrée sur le marché. Néanmoins, un retour au tout conteneur reste risqué. La crise de la conteneurisation a montré les limites de l’exercice et surtout de la nécessité de disposer d’une offre diversifiée des trafics.