Rotterdam : une baisse attendue de 10 à 20% du trafic annuel
Les trafics du premier trimestre sont en nette baisse à Rotterdam. Tous les courants sont concernés par les baisses. Le président du port envisage l’année avec une baisse totale entre 10% et 20%.
Au nord de l’Europe, les ports se suivent et ne se ressemblent pas. Quand Anvers affiche une progression de son trafic, Rotterdam et Haropa sont à la baisse dans des proportions équivalentes. Sur les trois premiers mois de l’année, le port de Rotterdam affiche une baisse de 9,3% à 112,3 Mt. Si en Normandie la baisse du trafic s’explique par les mouvements sociaux, Rotterdam n’a pas subi les mêmes effets mais a produit les mêmes causes.
Le charbon perd 3 Mt
Les baisses majeures du trafic du premier port européen se sont principalement opérées sur le charbon, le pétrole brut et les produits pétroliers. Trois courants symptomatiques dans la transition écologiques que mènent les pays européens.

Du côté des vracs secs, le charbon a perdu 3 Mt sur ces trois premiers mois de l’année, ce qui représente une diminution de 39,6% par rapport au trimestre de 2019. Pour l’autorité portuaire, cette baisse tient principalement à une consommation d’électricité moindre par les centrales thermiques. « Plus d’électricité a été produite par les centrales à gaz, en raison du prix bas de cette énergie, et des parcs éoliens, grâce aux conditions climatiques », note l’autorité portuaire.
Les vracs agricoles ont suivi cette tendance avec une diminution de 6,1% à 2,4 Mt. Les importations, principal flux de ce courant, se sont réduites de 31% à 2,1 Mt. Les circuits logistiques ont préféré emprunté d’autres portes d’entrées. Les autres vracs solides, constitués principalement de matériaux de construction ont subi une baisse de 16,7% à 2,4 Mt. Les matériaux de construction, sables et autres minéraux, ont perdu 21% en raison de la mise en arrêt de nombreux chantiers et dans une baisse de la production industrielle en Allemagne au cours de ce premier semestre. Des éléments positifs sont apparus au cours de ce trimestre avec le doublement du trafic de biomasse pour la centrale Amer 9 de Geertruidenberg, à proximité de Dordrecht.
L’effet OMI 2020
Les vracs liquides se sont contractés de 12,6% à 39,5 Mt. Les deux principaux flux de ce courant, à savoir le pétrole brut et les produits pétroliers, ont perdu de leur volume. La baisse la plus importante est à mettre sur la diminution de négoce intervenu entre la Russie et Singapour. Le port de Rotterdam servait généralement de lieu de stockage. Le fioul de Russie est parti directement aux États-Unis pour y être raffiné. De plus, le diesel a perdu des volumes en raison de l’entrée en vigueur des nouvelles normes de l’OMI pour les navires. Ne pouvant utiliser des soutes avec plus de 0,5% d’émission de CO2, les armateurs se tournent vers de nouvelles sources d’énergie.
Quant au pétrole brut, il a été victime d’un stockage important en 2019 qui se répercute encore sur les trois premiers mois. Ces diminutions n’ont pu être compensées par les performances réalisées sur les trafics de gaz qui ont augmenté de 18%. Des approvisionnements qui ont alimenté le réseau européen de gazoduc. Les autres vracs liquides qui se composent majoritairement de produits chimiques ont vu leur trafic s’accroître de 9,3% à 8,3 Mt. « Le port de Rotterdam affirme sa position comme un centre logistique européen pour la chimie, avec tant des importations que des exportations vers l’Europe », souligne l’autorité portuaire. Il faudra qu’il fasse avec le pôle chimie d’Anvers qui s’est hissé parmi les premiers pôles chimiques du monde derrière Houston.
Une baisse de 2,8% des conteneurs avec l’Asie
Les marchandises diverses sont toutes en baisse au cours des trois premiers mois de l’année. Les trafics conteneurisés perdent 0,3% en tonnage à 37,9 Mt et diminuent de 4,7% en nombre d’EVP à 3,5 MEVP. L’autorité portuaire nuance cette contre-performance en rappelant que le premier trimestre 2019 a marqué un record dans son histoire du trafic conteneurisé. La baisse concerne surtout les trafics intra européen. Les trafics avec les autres continents sont en progression. Quant à la crise sanitaire du Covid 19, elle a produit ses premiers effets sur ce trimestre en raison des arrêts importants des trafics avec la Chine de janvier à mars. Le trafic avec l’Asie perd 2,8% sur le trimestre.
Les autres flux des marchandises conventionnelles, surtout des flux rouliers, ont pâti de la situation économique. Avec 5,9 Mt réalisés sur les trois premiers mois, Rotterdam enregistre un repli de 7,3%. Une baisse qui s’explique aussi par l’effet Brexit qui a joué lors du premier trimestre 2019. En début d’année 2019, le Brexit devait se réaliser le 30 mars. Les britanniques ont alors mené une campagne importante de stockage, y compris d’automobiles. Le décalage dans le temps de la sortie du Royaume-Uni a amené une baisse importante de ces flux.
La dépendance à l’économie allemande
Un premier trimestre morose qui pourrait bien faire un copier-coller sur les trois mois suivants. La crise sanitaire qui s’est manifestée en Europe depuis le mois de mars aura un impact majeur sur les trafics du port. Pour la direction du port, Rotterdam pourrait perdre entre 10% et 20% de son trafic sur l’année. « Tout dépend de la durée des mesures de confinement et des conditions de reprise de l’économie », indique la direction du port néerlandais. Ainsi, avec la baisse de capacité des lignes conteneurisées entre l’Asie et l’Europe d’environ 25%, les flux conteneurisés vont en subir le contrecoup. La même cause produira les mêmes effets sur le roulier. La perte de vitesse de la croissance économique en Europe et le confinement réduisent drastiquement les ventes de voitures. Il en est de même pour le charbon et les minerais qui dépendent en grande partie de l’industrie allemande actuellement mise en suspension. Quant aux produits pétroliers, le port néerlandais ne voit qu’un seul facteur pour retrouver une courbe ascendante : les prix bas du baril pourrait entraîner une augmentation du volume. L’autorité portuaire garde un oeil sur les négociations actuelles de l’Opep.
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