Corridors et logistique

Conteneurs : un premier semestre pour se refaire une santé financière

Avec la publication des premiers résultats financiers des armateurs opérant sur le trafic conteneurisé, la croissance constatée au premier trimestre a continué entre avril et juin. Les armateurs tirent profit de cette situation.

En août 2019, le taux de fret pour un conteneur de 40’ s’évaluait aux environs de 1800$, selon le consultant britannique Drewry. Deux ans plus tard, en août 2021, l’indice des taux de fret a grimpé en flèche. Le 26 août, il s’évalue à 9 817$ pour le même conteneur. Comparativement à 2020, la croissance de cet indice atteint 351%.

Une hausse de 637%

Le détail des hausses montre une forte progression sur les liaisons entre Shanghai et Rotterdam. Selon le consultant britannique, la progression des taux de fret atteint 637% en un an. Une hausse qui s’explique par le manque d’espaces à bord des navires. Sur la liaison entre Shanghai et Gênes, le taux de fret s’élève à 13 4646$, en progression de 694%

Transpacifique: 4% de hausse en une semaine

Sur le Transpacifique, en sens États-Unis vers la Chine, les taux ont pris 4% en une semaine à 14 136$. Sur un an, la progression atteint 235% selon l’indice de Drewry. Dans le sens inverse, les taux de fret restent encore faibles à 1 398$. Ils ont malgré tout gagner 170% en un an.

L’effet Ever Given

Des chiffres qui doivent être mis en perspective aux éléments que le semestre a connu. En premier lieu, la reprise économique s’est révélée plus forte qu’attendue après une année 2020 de baisse. Ensuite, en mars, l’Ever Given a bloqué l’accès au canal de Suez pendant plus d’une semaine. Un grand nombre de navires sont restés coincés devant le canal en attendant de pouvoir continuer leur route. Le déblocage de la situation a amené une saturation des terminaux portuaires.

Deux terminaux chinois arrêtés

Après, c’est en Chine qu’est survenu un nouveau nœud dans la chaîne logistique. Avec l’arrêt d’un terminal du port de Yantian, dans le sud du pays, de nombreux navires se sont reportés dans d’autres ports chinois. D’une part, les boîtes en attente de chargement dans le port de Yantian et d’autre part, les conteneurs devant être déchargés sont partis dans d’autres ports. Au final, l’arrêt du terminal de Yantian s’est répercuté jusqu’en Europe.

Report de trafic sur d’autres ports

Enfin, en août, un nouveau cas de Covid 19 a été décelé dans le port de Ningbo. Un terminal de conteneurs s’est arrêté pendant 10 jours. Comme Yantian, une partie des trafics se sont reportés sur d’autres ports. Certains armements, à l’image de Mærsk, ont décidé d’annuler leurs escales dans le port de Ningbo, créant une saturation des terminaux voisins.

Des taux de progression à deux chiffres

Ces difficultés n’ont pas empêché les armateurs d’engranger les bénéfices sur le premier semestre. Le chiffres d’affaires des principaux opérateurs alignent des taux de progression à deux chiffres. Ainsi, Evergreen affiche une hausse de 129% de son chiffre d’affaires à 6 807M$. Au cours de ce semestre, le bénéfice opérationnel du groupe taïwanais s’est élevé à 3 440 M$, en progression de 1680%.

Mærsk voit son résultat opérationnel s’envoler

Les plus importants armateurs ne sont pas ceux qui affichent des progressions les plus fortes. En effet, Mærsk a vu son volume d’affaires augmenter de 55% à 17 990 M$ sur le premier semestre. Une progression qui s’accompagne d’une hausse des conteneurs transportés. En effet, l’armement danois a vu son trafic progresser de 10% sur le premier semestre à 13,1 MEVP. Dans le même temps, son bénéfice opérationnel augmente de 210% à 7 844 M$.

Hapag Lloyd: hausse de 218% du résultat opérationnel

La même tendance s’applique au bilan financier semestriel de Hapag Lloyd. Le chiffre d’affaires de l’armement allemand a augmenté 46% à 10 397 M$ et les volumes transportés ont atteint 6 MEVP, en progression de 4%. Sur ces six premiers mois de l’année, le résultat opérationnel du groupe augmente de 218% à 4 177 M$.

Jusqu’à quand?

Les bilans financiers des armateurs montrent que les armateurs profitent de la situation. Après avoir affiché des pertes, parfois colossales, pendant des années, les compagnies maritimes retrouvent des couleurs. En mars, avec le manque d’espace à bord des navires, le groupe Geodis a décidé d’affréter un navire pour acheminer directement entre Shanghai et Hambourg des conteneurs pour son compte propre. Cette solution devrait se renouveler au troisième et quatrième trimestre de cette année, a annoncé Geodis dans son rapport semestriel.

Pour certains observateurs, cette initiative pourrait augurer d’une nouvelle position des commissionnaires dans le monde maritime en devenant parfois opérateur. Si le manque d’espace à bord des navires devient chronique, l’affrètement de navires par les commissionnaires pourrait se renouveler dans les prochaines semaines.

La haute saison s’annonce « surchargée »

Cette tendance à voir les commissionnaires devenir armateur risque de prendre de l’ampleur avec l’été. En effet, la haute saison s’annonce. Les observateurs s’accordent pour reconnaître que la situation actuelle avec des taux de fret élevés devrait durer jusqu’en fin d’année.Dans un entretien publié par Upply, Jérôme de Ricqlès, expert auprès de Upply, analyse la situation. Il constate que la demande continue d’être aussi forte. « L’inflammation de la situation ne connaît pas de saisonnalité, pas de cycle et semble être continue », indique Jérôme de Ricqlès.

Face à la pénurie de navires, le constat dressé par Jérôme de Ricqlès est de voir la vitesse des navires augmenter. « Sur le transpacifique, des navires affichent une vitesse commerciale de 20 nœuds », souligne l’expert maritime de Upply. Un phénomène peu enclin à répondre aux attentes environnementales mais qui peut partiellement résoudre la pénurie d’espace. Il reste difficile de savoir si les conditions de marché actuelles s’étendront sur 2022. Dans les analyses publiées de part et d’autre, il est indiqué  que les taux de fret ne devrait pas baisser au moins sur le premier semestre de l’année prochaine. Et après? qui vivra verra!